Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.
Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?
Rencontre avec Colette Tostivint, slasheuse comme elle se définit elle-même, à la fois agente d’artistes, experte en identité numérique, co-fondatrice de l’association Eklore, et révélatrice de talents. Sa promesse : “s’inspirer du réel, pour inspirer le réel”. Citoyenne du monde, habitant au Népal, son énergie est communicative et son audace encourage les femmes qui l’écoutent.
Avez-vous vu le film A plein temps avec Laure Calamy qui court de sa banlieue de l’Essonne vers le palace parisien où elle travaille comme cheffe de rang pendant des grèves monstres des transports parisiens, tout en élevant seule ses enfants ?
Un film social filmé comme un thriller haletant par le réalisateur Eric Gravel qui m’a beaucoup touchée. En apnée pendant tout le film, je me demandais à chaque minute : “Mais comment fait-elle pour tenir ?”. Pour moi, c’est ça le courage. Et pour vous ?
On a chacun, chacune, sa définition ou sa représentation, héritée de son histoire personnelle bien sûr, de son vécu, des personnes inspirantes de son entourage, mais aussi de son imaginaire littéraire, cinématographique, artistique …
Il est intéressant de revenir à l’étymologie du mot courage : “coeur, siège des sentiments”. Pour Blanche de Richemont que j’ai eu la chance d’écouter parler de son livre Allez courage ! paru aux Presses de la cité, “avoir du courage, c’est avoir du coeur à l’ouvrage, donc de l’ardeur. C’est répondre à l’appel de ce qui nous grandit et de ce qui grandit les autres.” Son conseil pour nous aider à avoir du courage : “accrocher son regard à une étoile, quelque chose qui nous élève, nous anime. Se frotter à la beauté du monde. Et rire”.
Le courage est la capacité d’affronter le danger dans un but légitime, en prenant la mesure des risques encourus. Il est la version contemporaine, moins spectaculaire et visible, de l’héroïsme, plutôt centrée sur la persévérance ou l’endurance, et la notion de responsabilité. Nous retrouvons le personnage joué par Laure Calamy dans cette définition.
Si je prends ma caquette d’accompagnante, j’ajouterais : pour l’éthique du coach, et sa responsabilité dans la relation nouée avec ses clients, je propose ici quelques réflexions à mener pour nous guider dans l’exercice de notre métier. Je m’arrêterais notamment sur la notion de fragilité ou de vulnérabilité qui peut paraître contre-intuitive dans la représentation que l’on se fait du coach.
“L’éthique du soin et du souci de l’autre se déploie dans l’invisibilité, c’est-à-dire dans un contexte qui n’a plus rien de public. On peut l’illustrer par l’activité des métiers du soin ou des travailleurs sociaux, par exemple, ou par le dévouement en général. A la lumière de Marcel Mauss, la vérité secrète qui guide de tels comportements est que la forme de don de soi qui s’y pratique s’attache précisément à se faire discrète et aussi légère que possible, afin de ne pas imposer à ses bénéficiaires l’obligation de rendre quoi que ce soit à leurs bienfaiteurs. Le souci des seconds est de ne pas mettre en dette les premiers. A travers leur incognito, on perçoit que le courage peut se trouver en étroite proximité avec l’humilité. Si cette forme de grandeur ne s’affiche pas, elle ne semble pas moins vertueuse que le courage à l’antique. Combinée avec le constat de la modernité de la persévérance de Pénélope, une telle observation conduit à relativiser encore la distinction entre les deux formes de courage. Il suffit pour cela de mettre en lumière la composante relationnelle de la vertu antique et, symétriquement, la grandeur cachée de l’endurance moderne, celle d’un héroïsme quotidien” (page 151, Ethique de la pratique ordinaire, Pocket, 2021, Pierre-Olivier Monteil)
“Cette approche met sur la voie d’un courage par sollicitude, à travers le fait de s’exposer aux attentes de l’autre en difficulté, qui compte sur moi pour l’aider. Sa fragilité en appelle à ma capacité de lui répondre, c’est-à-dire, répétons-le, à ma responsabilité. La fragilité nous oblige. Comme l’observe Ricoeur, quand un enfant naît, “du seul fait qu’il est là, il oblige. Nous sommes rendus responsables par le fragile”. Le courage puise à une source relationnelle. C’est l’autre qui me rend courageux pour lui venir en aide. C’est lui qui me permet d’être persévérant, car il compte sur moi pour tenir ma promesse. Il me donne la force d’intervenir par la confiance qu’il me porte. Le courage consiste à assumer ma propre fragilité, celle que je partage avec l’autre, comme avec tous les autres.” (page 152, Ethique de la pratique ordinaire, Pocket, 2021, Pierre-Olivier Monteil)
“Le courage est l’art de commencer, ainsi que le souligne Vladimir Jankélévitch. Il constitue une valeur non thésaurisable, car elle ne se conjugue qu’au présent : on n’est courageux qu’en situation. Ce n’est donc pas tant une compétence qu’une capacité à réagir et à se risquer. Elle suppose moins une sorte d’expérience accumulée dans le passé qu’un certain état de disponibilité au présent, un humeur éveillée, une curiosité attentive et entreprenante, une réceptivité au fait même de vivre, qui pousse à intervenir.” (page 155, Ethique de la pratique ordinaire, Pocket, 2021, Pierre-Olivier Monteil)
“Il faut du courage pour vivre et travailler”. Trois sortes de courage sont requises de nous, et j’y vois encore une fois un guide pour la pratique du coach :
Le courage de s’engager (commencer, prendre des responsabilités, entrer dans l’échange, assumer, approuver ce que l’on fait) pour dire oui à la vie, malgré ses incertitudes. Le courage de s’engager s’enracine dans la capacité à se recevoir soi-même, avec ses compétences et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts, dans cette existence, aussi contingente soit-elle.
Le courage de continuer et de persévérer dans l’échange. Dans le milieu professionnel, la difficulté consiste à pratiquer la grande loi de réciprocité dans l’échange, en combinant à la fois une exigence d’égalité entre les personnes et de respect des différences, entre les statuts, les métiers, les âges et les sexes.
Le courage de terminer et de sortir de l’échange. Une propension spontanée nous porterait à poursuivre notre activité sans relâche, dans une logique de rétribution (ou de don/contre-don). Le courage de terminer est celui de pardonner. Il est d’une grande utilité dans les conflits, les relations de travail en général ou la conduite des entretiens d’évaluation en particulier.” (page 157, Ethique de la pratique ordinaire, Pocket, 2021, Pierre-Olivier Monteil)
Le courage en management. Notamment en misant sur l‘autorité plutôt que sur le pouvoir d’imposer, comme je l’ai écrit dans un autre article. “La dose de courage requis se trouve allégée par une autre énergie, à l’oeuvre en sous-main : la gratitude. Une autre forme de courage réside dans la capacité à suspendre son geste et à ne pas agir. Attendre et aviser, ne pas céder à l’urgence et patienter. Pour réfléchir, échanger, prendre du recul. Avant tout ne pas nuire, conformément au précepte attribué à Hippocrate.” (page 160, Ethique de la pratique ordinaire, Pocket, 2021, Pierre-Olivier Monteil)
L’ultime courage ne consiste t-il pas à apprendre à vivre avec la peur et la mort ? Les humains, cette drôle d’espèce qui a la certitude de sa finitude dès le début de son existence… “Nous nous efforçons d’apprendre ce que nous oublierons, nous aimons ceux qui disparaîtront, nous soignons ceux qui s’effacent. Nous sommes des êtres endurants. Cette contradiction essentielle – commencer ou recommencer ce qui s’achèvera – se rejoue à chaque instant”. Nos actions les plus essentielles ne portent-elles pas la marque de cette résistance au désespoir ? (page 175, Les débuts, Claire Marin, Editions Autrement, 2023).
Et pour finir, je citerais Nancy Houston : “La vie des primates sur la planète Terre est remplie de dangers et de menaces. Tous les primates tentent de s’en protéger en s’envoyant des signaux. Nous seuls fantasmons, extrapolons, tricotons des histoires pour survivre ; et croyons dur comme fer à nos histoires.” (page 11, Sois fort, Sois belle, Nancy Houston, éditions Parole, 2016).
Sfera n. 5, 1965, d’Arnaldo Pomodoro, exposition au Museo del Novecento, Milan
Cet article me donne l’occasion de faire le point sur deux dimensions qui apparaissent en coaching d’entreprise, l’autorité et le pouvoir, et qui sont des axes de travail possibles pour les managers et les collaborateurs. En sociologie clinique, dont je tire mon référentiel d’intervention, il est proposé d’analyser les représentations que nous avons de l’autorité et du pouvoir, en lien avec notre milieu social et notre éducation par exemple, qui peuvent avoir un impact sur notre relation à la hiérarchie, voire notre évolution professionnelle en entreprise.
Selon André Comte-Sponville dans son Dictionnaire philosophique, éditions puf, 2001, l’autorité se définit ainsi : “Le pouvoir légitime ou reconnu, ainsi que la vertu qui sert à l’exercer. C’est le droit de commander et l’art de se faire obéir”. Il établit ainsi un lien direct avec le pouvoir : “pouvoir, c’est pouvoir faire. Encore faut-il distinguer le pouvoir de, qu’on appellerait puissance (pouvoir marcher, parler, acheter, faire l’amour …), et le pouvoir sur, qui porte sur les êtres humains et qui est le pouvoir au sens strict. C’est le secret du pouvoir : il s’exerce même quand il n’agit pas ; il gouverne même quand il n’ordonne pas.”
Autre relation mise en évidence dans le Vocabulaire de psychosociologie* par Jacques Ardoino (page 63) : autorité et autorisation, car il y a un lien de “subordination ou de dépendance, d’un rapport hiérarchique entre celui ou ceux qui donne(nt) l’autorisation et celui ou ceux qui la sollicite(nt) et la reçoive(nt)”. Il ajoute : “L’autorité sera définie comme le pouvoir de se faire respecter, obéir, celui de commander, de décider”.
J’ai remarqué que les personnes qui entreprennent une démarche de coaching viennent souvent rechercher de l’autorisation, consciemment ou non (par elle-même ou par le coach).
Jacqueline Barus-Michel et Eugène Enriquez définissent quant à eux dans le même ouvrage la notion de pouvoir : “Le pouvoir est indissociable de la relation et de la coopération. Il est associé à la vie, mais a partie liée avec la mort. Il est à la fois convoité et subi, assimilé à la répression ou à la liberté, objet privilégié de toutes les ambivalences. Le pouvoir n’est pas du côté du nombre : une poignée d’hommes au pouvoir peut gouverner des multitudes. Le besoin de sécurité, de stabilité, d’amour, de directives sont de sûrs alliés du pouvoir, qui correspond à une attente et à une demande autant qu’il peut engendrer frustration, haine et révolte”. (page 221)
Toujours selon Eugène Enriquez, mais dans un autre ouvrage**, “Les entreprises s’adonnent à un jeu dangereux : celui du pouvoir et du désir”.
Il s’interroge : comment croire que l’entreprise n’est pas traversée comme tout groupe humain par des processus identificatoires, où les pulsions et les projections s’expriment ?
“L’imaginaire structure les sociétés humaines, nous apprennent les historiens. Le symbolique nous place dans des rapports médiatisés et forge notre identité, nous rappellent les psychanalystes et les sociologues. Le culturel nous fournit les valeurs qui orientent nos conduites, nous enseignent les ethnologues. L’imaginaire, le symbolique et le culturel scandent la vie de toutes les organisations.” (page 9)
Pour aller plus loin, je vous livre quelques extraits qui donnent à réflexion, tirés de l’ouvrage de Pierre-Olivier Monteil, philosophe, La fabrique des mondes communs, aux éditions Erès, 2023.
“Les racines étymologiques du mot “hiérarchie” : gouvernement des choses sacrées (de hieros, sacré, et archein, commander). Il se trouve que le grec a deux mots distincts pour le mot “agir” : archein, qui signifie initialement commencer, guider et seulement en un troisième sens commander ; et prattein, qui signifie d’abord traverser, aller jusqu’au bout, achever. En entreprise, l’affirmation progressive du principe hiérarchique prit du temps et des précautions (progressivement au cours du XIXe siècle au fil du développement de la concurrence des marchés).” page 183
“En entreprise, un pouvoir auquel il est possible de consentir est celui qui est reconnu comme légitime. Il n’a dès lors pas à recourir à la contrainte ou à la manipulation pour être crédible et obéi. On dit alors qu’il fait autorité. S’attache à lui une part de crédit, de confiance, qui comble l’écart entre un pouvoir simplement légal et un pouvoir reconnu. L’autorité se distingue du pouvoir en ce qu’elle propose – tandis que le pouvoir impose – car elle vise à transmettre quelque chose qu’elle a reçu. L’autorité révèle qu’on ne peut véritablement obéir que si on a la possibilité de s’y refuser. Dans la posture qui est la sienne, l’autorité n’est pas la propriété de celui qui agit, mais celle d’un simple détenteur qui transmet.” page 185
“L’autorité, c’est la faculté des commencements, comme le résume Myriam Revault d’Allonnes (Le Seuil, 2006). L’autorité s’attache à transmettre ce qui grandit. Il existe une hiérarchie entre ce qui rabaisse ou élève, entre ce qui fait régresser ou progresser, entre ce qui infantilise ou émancipe.
Ce que permet l’autorité, c’est d’accroître l’autonomie de l’interlocuteur. Lequel, dès lors, ne peut qu’y consentir et obéir.” page 187
“L’autorité ne saurait être auto-proclamée, car il n’est d’autorité que reconnue.”
Pierre-Olivier Monteil distingue le pouvoir vertical dissimulé par les dispositifs, et le pouvoir horizontal, invisible, de la coopération, définie comme le fait de travailler à plusieurs à une même chose (Franck Fischbach, Lux éditeur, 2015). page 201
Il insiste sur l’importance du management, indispensable pour se coordonner et faire face aux conflits internes en entreprise. “Supprimer la hiérarchie, c’est enlever l’intermédiaire régulateur” souligne Erhard Friedberg (Le Monde, 27 octobre 2015). page 239
“Il faut que l’individu – dirigeant, manager, collaborateur – soit susceptible de percevoir le sens de la hiérarchie au sein même d’une relation dans laquelle est présente une dimension égalitaire. L’autonomie permet de dialoguer et de coopérer, aussi bien entre pairs qu’en contexte hiérarchique. Elle rend capable de discerner de la supériorité dans les situations égalitaires, de l’égalité dans les situations hiérarchiques, et la coexistence d’identité et d’altérité dans toute relation intersubjective.” page 242
Selon Pierre-Olivier Monteil, il est possible de concevoir des modalités concrètes d’articulation entre pouvoir vertical et pouvoir horizontal qui participent d’un management se voulant le vecteur d’une pédagogie de l’autonomie. page 242
En résumé et pour avancer des propositions afin de faire évoluer le management en entreprise (page 261) :
Un pouvoir hiérarchique s’exerçant sans contrepoids ne tarde pas à dériver en “césarisme d’entreprise” : une pathologie de l’unanimité
Un pouvoir horizontal sans hiérarchie ne tarde pas à dériver en un régime de la loi du plus fort : une pathologie de la diversité, qui s’inverse en son contraire
Pour remédier à ces deux dérives, il est possible d’articuler pouvoir vertical et pouvoir horizontal, hiérarchie et coopération. Peuvent y contribuer la posture d’autorité, les espaces de discussion sur le travail, la remontée de propositions d’amélioration des règles …
Le préalable est de bien clarifier la différence entre qui distingue l’autonomie de l’indépendance.
La reconnaissance des deux pouvoirs a pour conséquence institutionnelle que les investisseurs en travail que sont les collaborateurs soient représentés au conseil d’administration au même titre que les apporteurs de capitaux que sont les actionnaires.
L’articulation entre les deux pouvoirs s’effectue par des médiations qui sont nécessairement fragiles, parce qu’elles doivent être flexibles pour remplir leur office. Mais la fragilité est aussi le remède au climat d’indifférence qui règne souvent dans le monde du travail. En effet, la fragilité en appelle à l’engagement des personnes, au-delà de leur fonction.
*Vocabulaire de psychosociologie, sous la direction de Jacqueline Barus-Michel, Eugène Enriquez et André Lévy, éditions Erès, 2013.
**Les jeux du pouvoir et du désir dans l’entreprise, Eugène Enriquez, aux Editions Desclée de Brouwer, Collection Sociologie clinique, 1997.
A écouter, une interview de Michel Serres, qui m’a été suggérée sur LinkedIn par une personne qui a lu mon article, qu’elle en soit remerciée !
Opter pour le coaching : est-ce pour vous une lente maturation ou un événement en apparence brutal amenant une décision claire et nette : “je vais commencer un coaching” ? Qu’est-ce qui motive une telle décision ? Quelle représentation vous faites-vous du coaching ? La différence avec la thérapie est-elle claire pour vous ? Qu’attendez-vous de la personne qui va vous accompagner pendant quelques semaines ou quelques mois ? Pour quelles raisons la choisissez-vous ?
Toutes ces questions, vous les connaissez parce que vous vous êtes déjà fait coacher, ou vous vous les posez aujourd’hui parce que vous êtes dans une démarche de réflexion sur cette forme d’accompagnement dont on parle beaucoup, mais dont les spécificités ne sont pas forcément toujours très bien connues.
Avant de contacter un ou une coach, écrivez pour vous votre demande à son égard, le sujet va arriver très vite lors de votre premier échange.
Sans entrer dans les détails, vous pouvez souhaiter un coaching de développement, de soutien, de prise de décision, de résolution de problème, de mise en cohérence de sens et de choix de vie …
En m’interrogeant sur le début d’un coaching, qui compte dans le déroulement du process global d’accompagnement, et à mes propres débuts en tant que coachée, je me suis arrêtée sur la notion de commencement.
Comme nous le rappelle Pierre-Olivier Monteil dans son livre Ethique de la pratique ordinaire (Edition Pocket, 2021), “le courage est l’art de commencer” ainsi que le souligne Vladimir Jankélévitch. “Il constitue une valeur non thésaurisable, car elle ne se conjugue qu’au présent : on n’est courageux qu’en situation. Ce n’est donc pas tant une compétence qu’une capacité à réagir et à se risquer” (page 155).
Claire Marin vient de publier son dernier ouvrage Les débuts, par où recommencer ? aux Editions Autrement, 2023. Elle y aborde à sa place de philosophe et avec son style à la fois poétique et accessible la notion du “début” et aborde ainsi par effraction la métamorphose de l’identité, mon sujet phare. Depuis la maladie jusqu’aux différents cataclysmes ou événements heureux de l’existence qui constituent notre identité. A quoi reconnaît-on les débuts ? Par des ruptures ou des mouvements de places ? Par des inaugurations ? Par des émotions et sentiments ressentis ?
Voici ci-dessous quelques extraits tirés de cet ouvrage dont je vous recommande la lecture :
“Le début à la différence du commencement, est une expérience verticale du temps. Le début tranche, il interrompt le temps, là où le commencement s’y écoule paresseusement. La poésie des débuts est dans la beauté de l’inachevé, l’évanescence de ce qui a tout juste commencé à être… Tout début est un don qu’on interprète de manière singulière.” (page 37)
Ainsi, selon Henri Bergson, le “déroulement de notre durée ressemblerait par certains côtés à l’unité d’un mouvement qui progresse. Les états intérieurs du sujet ne pourraient pas être distincts … aucun d’eux ne commence ni ne finit, mais tous se prolongent les uns les autres. Vivre est un enroulement perpétuel, comme celui d’un fil sur une pelote, car notre passé nous suit, il se grossit sans cesse du présent qui ramasse sur sa route.” (pages 52 et 53) Est-ce compatible demande Claire Marin avec le chaos intérieur des crises que nous traversons parfois, à l’adolescence ou en milieu de vie ?
“Il n’est pas rare que les idées qui vont nous occuper toute une vie nous apparaissent à l’improviste” Clément Rosset
“Je crois prendre une décision, mais il se pourrait que j’en ignore les véritables motifs, le travail souterrain qui s’opère en moi. Y a t-il un jour, un instant précis où nous décidons d’être celui que nous sommes devenus ? (page 67)
A travers nos romans familiaux, les débuts sont récités, répétés, (ré)interprétés. Selon Paul Ricoeur, c’est l’individu qui interprète son commencement, ma vie a commencé avant moi : “La question de notre naissance est en fait celle de notre commencement. Quand ma vie commence t-elle ? Plus exactement, à quel moment, je commence ? … Je procède d’un mouvement que je n’ai pas initié … Me voilà dépossédé du début et de la décision de mon existence… Paradoxalement, ce n’est que par la subjectivité que la naissance pourra être un commencement … (page 100)
“Raconter son histoire, c’est toujours aussi raconter l’histoire de tous ceux dont la vie a été entremêlée à la nôtre, c’est dévoiler un pan de leur existence qu’ils pourraient préférer ne pas voir exposé, c’est parfois trahir… C’est peut-être parce que j’appréhende les effets d’un récit que je ne parviens pas à le commencer. Peut-être enfin parce que je crains la violence de ma propre histoire. Mon histoire n’est parfois qu’un rempart contre une vérité trop vive, une façade dissimulant l’impossible récit. Je me raconte des histoires pour ne pas raconter la mienne”. Comment libérer le récit et (re) devenir l’auteur de son histoire ? (pages 111 et 113)
A lire aussi : « L’amour est la seule chose qui contrecarre l’absurdité de l’existence »
Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.
Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?
Je vous recommande l’ouvrage que Muriel Simeon vient de publier sur un sujet qui nous concerne tous, la vieillesse et le grand âge, intitulé La vie trépidante de Marguerite, aux éditions Les Trois Colonnes : Muriel sait l’aborder avec un humour décapant, dans une fiction délicate qui permet de prendre de la distance, tout en s’attachant aux personnages. Dans cette conversation, elle nous emmène vers d’autres rivages, comme l’amitié féminine, l’amour, sa construction de femme, ainsi que la question du genre, sur lequel Muriel nous partage son histoire personnelle et son analyse sociologique.
Arbre de vie, une installation de l’artiste Joana Vasconcelos dans la chapelle royale de Vincennes
Toujours dans ma quête de connaissances sur la notion d’identité, je suis heureuse de partager avec vous les réflexions de Gérald Bronner, sociologue des croyances, Professeur à la Sorbonne, auteur de l’essai Les origines, pourquoi devient-on qui l’on est ?, aux Editions Les grands mots Autrement, 2023. Il vient apporter un éclairage qui complète ceux de Vincent de Gaulejac, Chantal Jaquet,André Comte-Sponville, Boris Cyrulnik... dont j’ai déjà tiré quelques enseignements sur mon site dans des articles portant notamment sur la mobilité sociale et les transclasses.
Voyage à travers les fictions de nous-mêmes
Le postulat de Gérald Bronner m’a intriguée : “la personnalité est déterminée par quelques traumatismes initiaux – et souvent lovés dans l’histoire familiale – qu’il nous est devenu aussi naturel que l’air que nous respirons. Il nous est difficile de trouver une fiction contemporaine où les tourments des personnages ne sont pas renvoyés en dernière instance aux traumas de l’enfance.” Il ne met pas en doute l’importance du passé, notamment de l’histoire familiale, dans la construction de l’identité, mais il en appelle à la vigilance : ” attention à ces récits qui sont devenus envahissants et sont un peu trop commodes. Ceux-ci peuvent même conduire au dolorisme, c’est-à-dire une conception qui exalte la douleur et confère, par voie de conséquence, une valeur morale supérieure à celui qui souffre.”
Il complète : “le passé nous sert aussi souvent à nous exonérer de beaucoup de nos responsabilités. Ce schéma narratif favorise ce que les psychologues ont nommé le biais d’autocomplaisance, c’est-à-dire la tendance de notre esprit à attribuer nos succès à nos qualités et nos défaites à la malveillance des autres”, ou à des facteurs exogènes.
“Les transclasses occupent une position particulière et passionnante parce que, nomades sociaux, ils sont en droit de se demander : Pourquoi mon parcours m’a-t-il mené là où je suis ? Lorsqu’ils s’expriment publiquement, ils manifestent souvent une forme de dolorisme qui interroge. Dans certains cas, ils renient leur milieu d’origine ; dans d’autres, ils craignent de l’avoir trahi et, très souvent, ils expriment un sentiment de honte”.
Chantal Jaquet lui répond dans Télérama (n° 3812, 01/02/2023) : “Cette critique, qui témoigne d’un refus d’enfermement des transclasses dans une figure de honte, peut être salutaire. Mais l’accusation de dolorisme comporte toutefois un jugement de valeur qui peut apparaître comme une tentative de moralisation et de censure préjudiciable à l’expression de la parole et à son pouvoir de libération cathartique. L’affect de honte n’est pas honteux, et il faut du courage pour oser parler, passer de la honte tue à la honte sue et vue”.
J’ai été très marquée par les récits d’Annie Ernaux ou Edouard Louis, les travaux sur la honte sociale, et ce point de vue dissonant de Gérald Bronner vient bousculer mes convictions. Je vous conseille son livre, très complet sur la recherche de nos origines : sur quelles narrations se bâtissent-elles ? Quels sont les biais qui peuvent entraver la perception de notre histoire personnelle ?
Et il nuance, ce à quoi je suis sensible, le débat autour de la construction de l’identité : “On pourrait croire résoudre l’énigme en affirmant que ce que nous appelons notre personnalité est simplement la figure émergente des nombreuses déterminations (biologiques, socialisantes par la famille, par les pairs …) qui l’ont forgée. Immédiatement, pourtant, viendrait l’impression que les injonctions qui s’exercent sur nous sont souvent contradictoires et qu’il faut bien que quelque chose en nous arbitre entre les chemins qu’elles nous enjoignent de prendre. Il demeure un mystère insoluble dans la question Pourquoi je suis qui je suis ? Et c’est à cet insoluble que puisent tous nos récits. C’est lui qui autorise leur prolifération. Nous fantasmons nos origines, nous exagérons certains traits : en un mot, nous nous donnons tous des mythes fondateurs”. Il corrobore par là-même la notion de “roman familial” chère à Eugène Enriquez et Vincent de Gaulejac.
Tisser les fils narratifs
Ce que je retiens aussi des propos de Gérald Bronner, c’est l’importance trop souvent négligée de l’influence des pairs, amis, enseignants … ou de rencontres inattendues, qui jouent un rôle marquant dans une trajectoire de vie, parfois aussi marquant que l’influence parentale, notamment parce qu’ils constituent d’autres modèles auxquels s’identifier. Cela rejoint d’ailleurs l’une des questions que je pose avec l’arbre de vie sur les personnes ressources sur lesquelles s’appuyer.
Et ce qui m’a émue enfin, c’est son allusion à la dignité : dignité de ses origines, qu’il ne renie pas, valeur de dignité dont il a hérité, dignité intellectuelle, dans ses travaux sociologiques. Il conclut son ouvrage ainsi : “Tenter de rester disponible à la complexité du monde est le plus bel hommage que je puisse rendre à l’héritage de mes origines”.
Autres histoires de vies à découvrir chez Marie-Hélène Lafon dans Les sources paru en 2023 aux Editions Buchet-Chastel et chez Claire Baglin dans En salle, aux Editions Minuit, 2023 : toutes les deux déclarent éprouver de la tendresse pour leurs origines familiales, et ne pas être traversées par la honte, tout comme Gérald Bronner.
“Ce livre-là – et toute l’écriture peut-être – a pour source le lieu, le milieu, le moment, le corps de pays, nous avons commencé d’être et pris conscience que nous étions au monde, c’est la source inépuisable. C’est le titre de ce livre mais ce pourrait être le titre de tous mes livres. Comme il est dit dans la dernière partie du roman, “elle”, Claire, la fille, préfère le mot sources au mot racines. Et il m’a fallu du temps pour me rendre compte que la fluidité, le mouvement, la dynamique, l’énergie et la douceur, la luminosité aussi, du mot sources épousait d’avantage le mouvement d’écriture qui est le mien depuis vingt-cinq ans que le mot racines. Je ne renie pas le mot racines, pour les arbres, la grâce des arbres.” Marie-Hélène Lafonsur France culture.
Très belle exposition Pastels au musée d’Orsay avril 2023
J’aimerais m’attarder sur ce court essai de Delphine Horvilleur au sujet de Romain Gary, point commun avec Nancy Houston, que je cite régulièrement sur mon site. Romain Gary (déjà pseudo de Roman Kacew), avec cet autre pseudo Emile Ajar, publie ainsi incognito, et devient lauréat de deux Prix Goncourt, sous deux noms différents, alors que le règlement l’interdit : Les racines du ciel en 1956 et La vie devant soi en 1975. Au-delà de ce canular, cette double identité, enjeu de reconnaissance et de renaissance, fut-elle un piège ?
Les passionnés de Romain Gary auraient en eux une profonde mélancolie, très exactement proportionnelle à leur passion de vivre : “une volonté farouche de redonner à la vie la puissance des promesses qu’elle a faites un jour, et qu’elle peine à tenir” (page 12). “L’oeuvre de Gary/Ajar est le livre de chevet des gens qui ne sont pas prêts à se résoudre ni au rétrécissement de l’existence, ni à celui du langage, mais qui croient qu’il est donné de réinventer l’un comme l’autre”.
Delphine Horvilleur nous propose avec Il n’y a pas de Ajar (Editions Grasset, 2022), une réflexion sur l’obsession identitaire mortifère de notre temps et je suis tentée de lui donner la parole, dans un souci d’honnêteté intellectuelle, moi qui m’interroge sur la notion d’identité depuis longtemps. Sa voix apporte une richesse précieuse au débat, je vous en laisse juge à la lecture de cet article.
“Autour de nous – tendez l’oreille – hurlent de toute part des voix qui affirment que pour être authentiques, il faudrait être entièrement définis par notre naissance, notre sexe, notre couleur de peau ou notre religion (page 15). Cette identité transmise par des générations passées nous empêcherait d’être autre chose que ce que notre naissance a dit de nous. Je pense encore et toujours à Romain Gary, et à tout ce que son oeuvre a tenté de torpiller, en choisissant constamment de dire qu’il est permis et salutaire de ne pas se laisser définir par son nom ou sa naissance. Permis et salutaire de se glisser dans la peau d’un autre qui n’a rien à voir avec nous. Permis et salutaire de juger un homme pour ce qu’il fait et non pour ce dont il hérite. D’exiger pour l’autre une égalité, non pas parce qu’il est comme nous, mais précisément parce qu’il n’est pas comme nous, et que son étrangeté nous oblige (page 18). Nous sommes pour toujours les enfants de nos parents, des mondes qu’ils ont construits et des univers détruits qu’ils ont pleuré, des deuils qu’ils ont eu à faire et des espoirs qu’ils ont placés dans les noms qu’ils nous ont donnés. Mais nous sommes aussi, et pour toujours, les enfants des livres que nous avons lus, les fils et les filles des textes qui nous ont construits, de leurs mots et de leurs silences” (page 31).
Je vous invite à lire ce monologue d’un homme étrange qui se dit le fils d’Emile Ajar, hommage à nos filiations littéraires. C’est le message d’un homme qui sait combien les fictions nous façonnent, ce que j’ai déjà eu l’occasion de partager sur ce site au travers des histoires de vie notamment.
Je souscris tellement à ses derniers propos sur les textes qui m’ont façonnée : je pense notamment, sans exhaustivité ou chronologie aucune à des auteurs ou autrices qui ont compté pour moi, comme en premier lieu Nancy Houston, mais aussi Hannah Arendt, Robert et Elisabeth Badinter, Primo Levi, Marguerite Duras, Robert Anthelme, Jorge Semprun, Ernest Hemingway, Julie Otsuka, Abnousse Shalmani, Emmanuel Carrère, Jim Harrison, Andreï Makine, Amine Maalouf, Carson McCullers, Tobie Nathan, Boris Cyrulnik, Philippe Sands, Joseph Boyden, Delphine de Vigan, Alice Ferney, Javier Cercas, Sofi Oksanen, Tahar Ben Jelloun, Camille Kouchner, Vanessa Springora, Margaret Atwood …
Constance Debré, autrice d’Offenses, son dernier livre paru aux Editions Flammarion, 2023, ne répond pas autre chose à la question de Nathalie Crom dans Télérama (n°3811 du 25 janvier 2023) : “se définir en tant que ceci ou cela n’est vraiment pas mon approche des choses. Parce que ce n’est pas ce qu’il y a de plus vrai dans la réalité de l’expérience humaine. Parce que l’obsession de l’identité est un oubli de l’autre. Je ne dis pas que l’on est tous pareils, et encore moins tous égaux, mais si on peut se parler, si on peut écrire des livres et être lu, si on peut essayer de faire société, c’est qu’il existe quelque chose de commun et d’universel. Ce truc universel, c’est un mélange de sentiments de solitude, de douleur, de violence, d’amour … bien plus passionnant que les identités. C’est quoi pour vous la vie ? C’est une question que j’adore !”
En conclusion, je me sens proche de cette maxime de Jean-Paul Sartre que j’ai reprise dans ma brochure de présentation : “La liberté de l’individu est ce qu’il fait de ce que l’on a fait de lui”. L’idée de liberté et de bricolage identitaire me séduit et ouvre un champ à chacun et chacune d’entre nous dans sa construction et son développement tout au long de la vie, rien n’est figé, tout peut évoluer.
“L’humour est une affirmation de supériorité de l’homme sur ce qui lui arrive” Romain Gary
Etonnante coïncidence, avec dans ce documentaire intitulé Les identités de Mona Ozouf, l’historienne et philosophe nous donne sa définition de l’identité, sur la ligne de crête, entre fidélité, déterminisme, héritage d’une part et liberté, émancipation, affranchissement d’autre part. A écouter à partir de 38mn58, extraits : “Selon les contextes, on est tenté par l’une ou l’autre des approches, et c’est mon cas. Je n’ai cessé d’osciller entre les deux. Nous sommes tous faits d’appartenances multiples, qui commencent dès la carte d’identité, mais sont liées aussi à des opinions, rencontres, amitiés, à notre histoire en somme … que l’on ne peut réduire à une identité essentialisée. Au cours d’une vie, nous procédons constamment à des arbitrages entre des fidélités contradictoires. C’est la liberté qui nous reste, jouer entre nos appartenances. Nous pouvons les composer. C’est pourquoi j’ai appelé mon livreComposition française. Bref, cette identité que j’ai cherché à enfermer dans une définition est introuvable. Il y a toujours quelque chose de violent dans la définition de l’identité. Au lieu de nous demander sans arrêt qui nous sommes, demandons-nous plutôt qui est l’autre. L’identité est réflexive, elle se nourrit de la mémoire et de la conscience de soi.”
Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.
Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?
Rencontre avec Véronique Le Mouël, artiste, à l’origine de l’association Oeuvre participative, à laquelle je vous recommande vivement d’adhérer pour soutenir son action ! Véronique enchante notre paysage urbain avec ses propositions d’art participatif. L’art participatif tel que le définit Véronique : “prendre part”. Artiste vivant pleinement dans son époque, elle reconnaît avec une sensibilité qui me touche avoir exaucé ses rêves d’enfant. Sa forêt des messages, mêlant écriture et forme plastique, permet aux citoyens acteurs d’une oeuvre collective dans l’espace public de s’exprimer d’une manière poétique et créative. Belle leçon de vie que nous offre Véronique.
Hommage à Claude Monnet, dans une très belle exposition à la Fondation LVMH
J’ai la chance d’avoir participé à la création d’un dispositif de mentoring et d’être mentor depuis plusieurs années pour le réseau des Essenti’elles de BPCE, et plus récemment pour Anggels, qui met en relation créateurs ou créatrices d’entreprise et mentors qui donnent de leur temps pour les accompagner dans leur montage de projet, jusqu’aux premiers clients.
Dans un précédent article, j’avais expliqué comment j’accompagnais les créateurs et créatrices d’entreprise, à travers le coaching individuel, les ateliers collectifs pour être en capacité de pitcher avec authenticité et efficacité, la démarche spécifique Shynlei, le co-développement que j’ai développé ces dernières années, y compris pour des intrapreneurs, et j’y ajoute le mentoring qui complète la panoplie des formes d’accompagnement possibles.
Catherine Thibaux, qui a accepté de répondre à mes questions sur son parcours et son expertise en matière de mentoring dans ce podcast a publié un ouvrage qui fait référence sur le sujet, à la fois pour les institutions et entreprises qui veulent mettre en place un dispositif, et également pour les mentors et les mentorés qui se demandent si le mentoring est fait pour eux : Les clefs d’un mentoring réussi pour progresser dans sa vie professionnelle, aux éditions Studyrama Pro, que je vous recommande vivement.
Voici la définition qu’en donne Catherine : “Le mentoring est une relation d’aide, sur la base du volontariat, entre deux personnes qui n’ont pas de lien hiérarchique ni fonctionnel, et dont l’une est plus expérimentée. Cette relation d’aide repose sur des rencontres régulières pendant une certaine durée (en général un rendez-vous par mois pendant six mois à un an), au cours desquelles le plus junior, appelé mentoré, apporte sujets et questions dans le but de bénéficier gratuitement et confidentiellement de l’expérience professionnelle et personnelle du plus senior, appelé mentor”.
“En entreprise, il est proposé à des collaborateurs de middle management, dits à potentiels, susceptibles d’évoluer au sein de l’organisation. Le mentoring est considéré comme un moyen, parmi d’autres (formation, coaching, réseaux de pairs), mis à disposition du collaborateur pour comprendre l’entreprise, ses codes implicites, lever des freins éventuels et favoriser sa progression.”
Le mentoring a de plus en plus de succès dans les entreprises ou institutions : il est proposé par les réseaux mixité pour favoriser la carrière des femmes par exemple, par les RH pour permettre aux jeunes arrivé.es de s’intégrer plus vite ou aux futurs dirigeants d’évoluer dans des viviers, ou pour renforcer les compétences digitales des seniors grâce aux juniors dans un système de mentoring croisé.
Etre mentor m’apprend beaucoup, je fais de belles rencontres, et je grandis avec mes mentorées. Elles ont des objectifs variés : changer de métier ou de classification, anticiper une réorganisation interne, réussir une mobilité interne ou externe … Leurs objectifs évoluent parfois au fil de nos rencontres, avec un objectif de séance défini en amont selon leurs besoins. Elles s’approprient le dispositif, en étant actrices de son organisation : pas de contrainte, mais une chance pour sa carrière dont chacune tire profit comme elle le souhaite.
L’identification des “paires” mentor/mentorée n’est pas due au hasard : le choix des mentorées en fonction de mon profil entre en résonance avec leur propre problématique, et c’est la magie de l’accompagnement.
La relation de mentorat est non conventionnelle nous rappelle Catherine dans son ouvrage (la fonction importe moins que la volonté d’entraide), libre (le mentor et son mentoré sont eux-mêmes et échangent sur un plan d’égalité avec authenticité ; les sujets abordés sont définis librement également), gratuite (c’est un cadeau, avec don et contre-don), sans obligation de résultat, donc sans pression, dans un espace où chacun peut s’exprimer et se poser en toute sécurité, pour prendre le temps de la réflexion sur son évolution professionnelle.
Voici pour exemple les témoignages récents de deux mentorées que j’ai accompagnées :
Emilie : “Mes objectifs initiaux ont évolué vers une réflexion sur mon positionnement dans la nouvelle organisation de mon entreprise actuelle. Cet accompagnement m’a permis de me poser les bonnes questions sur mon métier, mes compétences, ce qui me motive, ce qui me déplait, ce pour quoi je suis douée. Prendre le temps de réfléchir à tout ça m’a fait du bien et m’a rassurée sur le fait que, quoi qu’il arrive, dans mon entreprise ou ailleurs, j’ai les capacités pour y arriver. Il m’a aussi permis de structurer mes réflexions et a rendu les choses plus faciles à aborder. Je n’aurais pas été aussi loin toute seule et j’aurais eu tendance à m’éparpiller. Je me suis sentie en confiance et comprise et j’ai pu progresser.”
Delphine : “Mon objectif initial était d’évoluer vers des fonctions managériales dans mon domaine d’activité ou dans un autre domaine, dans mon entité ou au sein du groupe dans lequel je travaille. Au final, le mentoring a abouti à une mobilité interne dans un autre métier et sans responsabilités managériales. Grâce à un travail d’introspection réalisé sous ta supervision, j’ai fait le point sur mes qualités et compétences et les forces/faiblesses pour devenir manager. Ce qui m’a semblé confortable : ton écoute, la facilité de nos échanges, ton soutien, ta disponibilité en général et notamment pour échanger rapidement sur la préparation des RDV RH, tes conseils en matière de formation, ta relecture de mon CV et des lettres de motivation. Ce qui m’a manqué : les rendez-vous en présentiel, du fait de la crise sanitaire.”
Avec Anggels, j’ai la chance d’accompagner Lovisa depuis plus d’un an, qui est en phase de création d’entreprise. Voici le témoignage qu’elle a bien voulu nous livrer, et je l’en remercie vivement :
“Après vingt ans de carrière dans la construction et l’aménagement de bureaux, j’ai décidé de faire une reconversion professionnelle et de devenir coach et diététicienne. Dans ce changement à 180°, Nathalie m’a accompagnée, d’abord pour clarifier mes idées afin de définir mon nouveau projet professionnel dans ses grandes lignes, puis pour affiner au fur et à mesure sa mise en œuvre. De plus, je me lançais sur un marché que je ne connaissais pas au départ. Le mentorat par Nathalie m’a permis de profiter de son expertise dans le domaine du marketing et de la communication pour bien définir ma cible et pour savoir comment l’adresser.
Lorsqu’on se lance dans l’entrepreneuriat, et en particulier le solo-entrepreneuriat, il me semble essentiel de s’entourer de personnes bienveillantes pour ne pas rester seule au risque de se décourager face à la complexité du projet. Le mentorat comme accompagnement permet en plus de bénéficier des compétences et de l’expérience du mentor pour accélérer l’avancement du projet et d’éviter de prendre des mauvaises directions.
Je viens tout juste de lancer la phase opérationnelle de mon activité. La poursuite du mentorat me permet de continuer d’échanger avec Nathalie qui offre des moments de prise de recul pour maintenir le cap.”
En complément d’un article que j’ai mis à jour récemment, “Mémoire individuelle, mémoire collective”, voici les quelques citations que j’ai tirées d’ouvrages de Boris Cyrulnik qui reste ma référence pour les notions d’identité, de résilience et de mémoire. Je continue à tracer mon sillon sur ces notions, au fil de mes découvertes. Au plaisir d’échanger avec mes lecteurs/lectrices, n’hésitez pas à laisser vos commentaires en bas de l’article.
Boris Cyrulnik, dans Des âmes et des saisons ; Psycho-écologie, Odile Jacob, 2021 que je recommande : “Le sens qu’on attribue aux événements vient de la structure du contexte autant que de l’histoire. Ce qui revient à dire que le regard que l’on porte sur notre passé dépend des récits que notre culture compose.” “C’est à la lumière du présent qu’on éclaire le passé. Dans nos récits individuels, quand on se sent bien, notre mémoire va intentionnellement chercher dans le passé les faits qui pourraient expliquer notre bien-être. Et quand on se sent mal, notre mémoire va chercher d’autres faits, tout aussi réels, pour expliquer notre mal-être. Les récits sont opposés et pourtant ne sont pas des mensonges, puisqu’on a sélectionné et interprété différemment des segments de réalité”. (page 32)
“Il y a donc une mémoire individuelle tracée dans la matière cérébrale par les pressions du milieu, et il y a aussi une mémoire hyperconsciente, une histoire de soi que l’on croit intime alors qu’elle provient des mots issus de nos relations. Est-ce à dire qu’une grande partie de nos souvenirs intimes sont imprégnés en nous par les récits collectifs ? Pour voir le monde et le comprendre, nous le réduisons à quelques informations mises en lumière par les récits qui nous entourent. (page 36)
“Nous croyons raisonner raisonner par nous-mêmes, alors que nous ne faisons qu’incorporer dans notre mémoire les récitations du groupe, ses croyances et ses préjugés. Les histoires partagées, les opinions acquises en toute inconscience créent un sentiment d’appartenance auquel on adhère avec bonheur puisqu’il nous solidarise.” (page 57)
“L’écologie verbale : un ensemble de récits familiaux et culturels qui structurent un environnement invisible et déclenchent d’intenses sentiments”. (page 94)
“La parole agit aussi sur notre mémoire et peut modifier la représentation de notre passé. Le récit de soi n’est pas le retour du passé, c’est la représentation du passé à partir d’aujourd’hui. La mémoire évolue, comme toute mémoire saine, parce que l’existence a ajouté d’autres expériences de vie qui ont modifié la représentation du passé.” (page 287)
“C’est bien l’élaboration mentale, l’effort d’agencer les représentations pour comprendre un événement et en faire un récit, le lent travail de l’esprit qui entraînent le sujet à ressentir les choses différemment”. (page 290)
Et pour approfondir : Mémoire et traumatisme : l’individu et la fabrique des grands récits. Boris Cyrulnik, entretien avec Denis Peschanski. Ina Editions, 2012.
J’ai découvert récemment le Jeu des intelligences (1), intéressant en coaching pour aider à se présenter par exemple, en mettant en avant ses capacités et ressources, ou pour régler des problèmes relationnels au sein d’une équipe, ou pour prendre des décisions. Il s’agit d’un Phototexte, un ensemble d’images qui illustrent les compétences associées à chacune des neuf intelligences dont nous disposons :
Intelligence naturaliste (comprendre l’environnement dans lequel l’humain évolue)
Intelligence linguistique (capacité à comprendre et utiliser les mots et les nuances de sens)
Intelligence visuo-spatiale (capacité à trouver son chemin dans un environnement donné et à établir des relations entre les objets dans l’espace)
Intelligence interpersonnelle (aptitude à discerner l’humeur, le tempérament, la motivation et le désir des autres personnes et à y répondre correctement)
Intelligence existentielle (celle des penseurs et des philosophes ; elle permet d’appréhender les questionnements sur les événements de la vie, l’origine et le sens des choses, les valeurs éthiques et le sens de la justice)
Intelligence logico-mathématique (capacité de logique, d’analyse, d’observation ainsi que celle de résoudre les problèmes)
Intelligence musicale (facilité à mémoriser des mélodies, harmoniser des sons et à reconnaître les rythmes)
Intelligence intrapsychique (chez les personnes qui aiment apprendre, s’améliorer, qui savent se remettre en question et faire preuve d’autocritique)
Intelligence corporelle (faculté d’apprendre et de penser à partir de toutes les perceptions de son corps)
Les auteurs du jeu se sont notamment inspirés d’Howard Gardner et de ses travaux sur les intelligences multiples.
Frames of mind, l’ouvrage qui rendit Howard Gardner célèbre en 1983, est un manifeste contre la tyrannie du QI. Gardner y démontre qu’il n’existe pas une forme unique, monolithique d’intelligence dont dépend la réussite dans la vie, mais plutôt un large éventail d’intelligences, que l’on peut ranger dans sept catégories principales :
l’agilité verbale
l’agilité logico-mathématique
la maîtrise de l’espace
le génie kinesthésique
le talent musical
le talent interpersonnel
la capacité intrapsychique
L’intelligence interpersonnelle est subdivisée en quatre capacités : celle de diriger, celle d’entretenir des relations et de conserver des amis, celle de résoudre les conflits, celle pour analyser les rapports sociaux.
Selon Daniel Goleman, auteur de L’intelligence émotionnelle, dont je vous recommande la lecture, “l’intelligence émotionnelle recouvre l’empathie, l’aptitude à se motiver ou à persévérer dans l’adversité, à maîtriser ses pulsions et à attendre avec patience la satisfaction de ses désirs, la capacité de conserver une humeur égale et de ne pas se laisser dominer par le chagrin au point de ne plus pouvoir penser, la capacité d’espérer.” (page 64)
Les études qui se sont multipliées ces dernières années sur l’intelligence émotionnelle laissent à penser qu’elle contribue au moins autant si ce n’est plus à la réussite et au bonheur des individus que le QI qui ne représenterait que 20 % des facteurs de réussite dans une vie.
L’injonction de Socrate “connais toi toi-même” renvoie à cette clé de voute de l’intelligence émotionnelle nous explique Daniel Goleman : “il faut être conscient de ses propres sentiments au fur et à mesure de leur apparition. On pourrait penser que nos sentiments parlent d’eux-mêmes, mais nous gardons tous en mémoire des épisodes où nous n’avons pas fait attention à nos sentiments réels, ou nous y avons fait attention, mais trop tard. Je parle de conscience de soi pour désigner cette attention permanente à son état intérieur. Dans cette conscience réflexive, l’esprit observe et étudie l’expérience elle-même, y compris les émotions. L’empathie repose sur la conscience de soi ; plus nous sommes sensibles à nos propres émotions, mieux nous réussissons à déchiffrer celles des autres”.
Elodie Bergerault, avec laquelle j’ai conçu deux ateliers, l’un sur le leadership, l’autre sur l’incertitude, m’a recommandé ce test sur l’intelligence émotionnelle : le consulter ICI. Merci Elodie pour ta recommandation !
(1) Le jeu des intelligences a été créé par Manuel de Sousa, Gilles Dufour et Arnaud Constancias, “Souriez vous jouez“, Editions “Souriez vous managez”.
J’ai eu la grande chance de rencontrer et d’être formée à l’arbre de vie par Dina Scherrer, présidente de la Fédération francophone des pratiques narratives. Cela faisait des années que je pensais les histoires de vie en sociologie clinique – auxquelles j’ai été certifiée – très proches des pratiques narratives. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité aller y voir de plus près avec Dina Scherrer, qui m’a confortée dans cette intuition.
Histoires de vie et pratiques narratives partent du principe que chaque individu n’est pas réduit à son histoire, mais est multi-histoires ; Qu’être le produit d’une histoire héritée est compatible avec le fait de devenir “sujet” et auteur / autrice de sa vie par un “bricolage” identitaire unique, savant mélange de déterminisme et de choix personnels et autonomes ; Que chacun.e détient les savoirs, les compétences, les forces, les talents, les ressources, les valeurs, l’énergie pour vivre ses expériences et affronter les difficultés.
Le coach ou praticien narratif est là pour aider la personne à se les révéler si elle les a perdues de vue et à reprendre confiance pour aller de l’avant.
J’ai aimé lorsque Dina nous a dit que nous étions là pour poser des questions qui rendent les gens dignes, pour honorer leurs savoirs clandestins, leurs actes de résistance, leur “plein”.
Pierre Blanc-Sahnoun a rencontré pour la première fois l’arbre de vie en 2010 avec David Denborough, Cheryl White et Jill Freedman au Rwanda. Il y était parti en mission avec un groupe international de thérapeutes narratifs pour former des intervenants sociaux travaillant dans les villages avec les survivants du génocide de 1994. L’arbre de vie figurait en bonne place des outils utilisés, issu du travail de David Denborough avec Ncazelo Ncube, psychologue pour enfants originaire du Zimbabwe, pour aider les enfants atteints du VIH. Il a été touché par cette approche simple et élégante, permettant aux personnes traumatisées de parler de leur vie dans des termes les rendant plus forts au lieu de les retraumatiser à chaque étape du récit.
C’est bien là tout l’intérêt de l’arbre de vie, travail métaphorique qui aide à parler de soi en un temps record et d’une façon positive en se centrant sur ses qualités, ressources, talents et forces, afin d’atteindre l’objectif que chacun.e se fixe et qui guide tout le travail de la séance.
Dina Scherrer le définit ainsi : ” l’arbre de vie est un outil de soutien psychosocial basé sur les pratiques narratives. Il utilise les différentes parties de l’arbre pour représenter les divers aspects de nos vies. L’utilisation des métaphores et de questions soigneusement formulées invite à raconter des histoires sur la façon de se renforcer et augmente l’espoir dans l’avenir. Il a été délibérément conçu pour soutenir les personnes dans l’exploration des histoires alternatives (1), des histoires qui parlent d’espoir, de compétences, des rêves qu’un individu a pour sa vie. Une histoire encourageante et dynamisante qui constitue une base ferme pour que la personne poursuive sa vie en dépit des problèmes auxquels elle est confrontée” (2)
A quels moments faire appel à l’arbre de vie en accompagnement ?
Au début d’un accompagnement pour faire connaissance et clarifier les objectifs
En fin d’accompagnement pour le bilan
Pour aller à la recherche ou confirmer un projet (choix d’études ou de métier, réorientation professionnelle, création d’entreprise, transition de vie …)
Pour anticiper les obstacles qui pourraient se mettre entre soi et son projet
Pour travailler son identité professionnelle et dégager sa singularité
Pour peaufiner son style managérial
Pour aider à retrouver du sens dans sa vie professionnelle
Pour sortir de l’isolement
Pour travailler le manque de confiance ou d’estime de soi
Pour préparer un entretien de recrutement ou un pitch devant des publics clés …
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette approche et déterminer si elle répond à vos objectifs et attentes, me contacter.
(1) Les pratiques narratives distinguent l’histoire du problème ou histoire dominante qui enferme la personne, la rend aveugle à ses potentialités, de l’histoire alternative ou histoire préférée, qui va lui permettre de retrouver confiance en soi et désir d’avancer.
(2) “Accompagner avec l’arbre de vie, une pratique narrative pour restaurer l’estime de soi” Dina Scherrer, InterEditions, 2021.