#Episode 17 podcast avec Sophie Courtin-Bernardo

Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.

Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?

Retrouver la série complète ici.

Conversation avec Sophie Courtin-Bernardo, qui a co-fondé L-Start, une plate-forme digitale d’accompagnement de créatrices d’entreprise, proposant une formation en six modules sur six mois pour réussir son projet entrepreneurial et faire ses premières ventes. A l’origine destinée aux expatriées, en lien avec le parcours international de Sophie, l’offre L-Start s’adresse à toutes celles pour qui l’accompagnement à distance est un choix ou une nécessité. Sophie a créé “une plate-forme bienveillante tournée vers l’action”, c’est la promesse indiquée sur le site. Et cela résume assez bien la personnalité de sa créatrice. Vous découvrirez sa détermination tranquille, ses choix de vie, notamment à l’international, qui lui ont permis de rebondir de façon constructive sur son chemin professionnel. Sophie nous inspire, à l’instar des 1 000 femmes accompagnées depuis plus de 10 ans par L-Start.

Commencer

Opter pour le coaching : est-ce pour vous une lente maturation ou un événement en apparence brutal amenant une décision claire et nette : “je vais commencer un coaching” ? Qu’est-ce qui motive une telle décision ? Quelle représentation vous faites-vous du coaching ? La différence avec la thérapie est-elle claire pour vous ? Qu’attendez-vous de la personne qui va vous accompagner pendant quelques semaines ou quelques mois ? Pour quelles raisons la choisissez-vous ?

Toutes ces questions, vous les connaissez parce que vous vous êtes déjà fait coacher, ou vous vous les posez aujourd’hui parce que vous êtes dans une démarche de réflexion sur cette forme d’accompagnement dont on parle beaucoup, mais dont les spécificités ne sont pas forcément toujours très bien connues.

Avant de contacter un ou une coach, écrivez pour vous votre demande à son égard, le sujet va arriver très vite lors de votre premier échange.

Sans entrer dans les détails, vous pouvez souhaiter un coaching de développement, de soutien, de prise de décision, de résolution de problème, de mise en cohérence de sens et de choix de vie …

En m’interrogeant sur le début d’un coaching, qui compte dans le déroulement du process global d’accompagnement, et à mes propres débuts en tant que coachée, je me suis arrêtée sur la notion de commencement.

Comme nous le rappelle Pierre-Olivier Monteil dans son livre Ethique de la pratique ordinaire (Edition Pocket, 2021), “le courage est l’art de commencer” ainsi que le souligne Vladimir Jankélévitch. “Il constitue une valeur non thésaurisable, car elle ne se conjugue qu’au présent : on n’est courageux qu’en situation. Ce n’est donc pas tant une compétence qu’une capacité à réagir et à se risquer” (page 155).

Claire Marin vient de publier son dernier ouvrage Les débuts, par où recommencer ? aux Editions Autrement, 2023. Elle y aborde à sa place de philosophe et avec son style à la fois poétique et accessible la notion du “début” et aborde ainsi par effraction la métamorphose de l’identité, mon sujet phare. Depuis la maladie jusqu’aux différents cataclysmes ou événements heureux de l’existence qui constituent notre identité. A quoi reconnaît-on les débuts ? Par des ruptures ou des mouvements de places ? Par des inaugurations ? Par des émotions et sentiments ressentis ?

Voici ci-dessous quelques extraits tirés de cet ouvrage dont je vous recommande la lecture :

“Le début à la différence du commencement, est une expérience verticale du temps. Le début tranche, il interrompt le temps, là où le commencement s’y écoule paresseusement. La poésie des débuts est dans la beauté de l’inachevé, l’évanescence de ce qui a tout juste commencé à être… Tout début est un don qu’on interprète de manière singulière.” (page 37)

Ainsi, selon Henri Bergson, le “déroulement de notre durée ressemblerait par certains côtés à l’unité d’un mouvement qui progresse. Les états intérieurs du sujet ne pourraient pas être distincts … aucun d’eux ne commence ni ne finit, mais tous se prolongent les uns les autres. Vivre est un enroulement perpétuel, comme celui d’un fil sur une pelote, car notre passé nous suit, il se grossit sans cesse du présent qui ramasse sur sa route.” (pages 52 et 53) Est-ce compatible demande Claire Marin avec le chaos intérieur des crises que nous traversons parfois, à l’adolescence ou en milieu de vie ?

“Il n’est pas rare que les idées qui vont nous occuper toute une vie nous apparaissent à l’improviste” Clément Rosset

“Je crois prendre une décision, mais il se pourrait que j’en ignore les véritables motifs, le travail souterrain qui s’opère en moi. Y a t-il un jour, un instant précis où nous décidons d’être celui que nous sommes devenus ? (page 67)

A travers nos romans familiaux, les débuts sont récités, répétés, (ré)interprétés. Selon Paul Ricoeur, c’est l’individu qui interprète son commencement, ma vie a commencé avant moi : “La question de notre naissance est en fait celle de notre commencement. Quand ma vie commence t-elle ? Plus exactement, à quel moment, je commence ? … Je procède d’un mouvement que je n’ai pas initié … Me voilà dépossédé du début et de la décision de mon existence… Paradoxalement, ce n’est que par la subjectivité que la naissance pourra être un commencement … (page 100)

“Raconter son histoire, c’est toujours aussi raconter l’histoire de tous ceux dont la vie a été entremêlée à la nôtre, c’est dévoiler un pan de leur existence qu’ils pourraient préférer ne pas voir exposé, c’est parfois trahir… C’est peut-être parce que j’appréhende les effets d’un récit que je ne parviens pas à le commencer. Peut-être enfin parce que je crains la violence de ma propre histoire. Mon histoire n’est parfois qu’un rempart contre une vérité trop vive, une façade dissimulant l’impossible récit. Je me raconte des histoires pour ne pas raconter la mienne”. Comment libérer le récit et (re) devenir l’auteur de son histoire ? (pages 111 et 113)

A lire aussi : « L’amour est la seule chose qui contrecarre l’absurdité de l’existence »

Me contacter pour un premier échange.

#Episode 16 podcast avec Muriel Simeon

Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.

Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?

Retrouver la série complète ici.

Je vous recommande l’ouvrage que Muriel Simeon vient de publier sur un sujet qui nous concerne tous, la vieillesse et le grand âge, intitulé La vie trépidante de Marguerite, aux éditions Les Trois Colonnes : Muriel sait l’aborder avec un humour décapant, dans une fiction délicate qui permet de prendre de la distance, tout en s’attachant aux personnages. Dans cette conversation, elle nous emmène vers d’autres rivages, comme l’amitié féminine, l’amour, sa construction de femme, ainsi que la question du genre, sur lequel Muriel nous partage son histoire personnelle et son analyse sociologique.

Pourquoi devient-on qui l’on est ?

Arbre de vie, une installation de l’artiste Joana Vasconcelos dans la chapelle royale de Vincennes

Toujours dans ma quête de connaissances sur la notion d’identité, je suis heureuse de partager avec vous les réflexions de Gérald Bronner, sociologue des croyances, Professeur à la Sorbonne, auteur de l’essai Les origines, pourquoi devient-on qui l’on est ?, aux Editions Les grands mots Autrement, 2023. Il vient apporter un éclairage qui complète ceux de Vincent de Gaulejac, Chantal Jaquet, André Comte-Sponville, Boris Cyrulnik... dont j’ai déjà tiré quelques enseignements sur mon site dans des articles portant notamment sur la mobilité sociale et les transclasses.

Voyage à travers les fictions de nous-mêmes

Le postulat de Gérald Bronner m’a intriguée : “la personnalité est déterminée par quelques traumatismes initiaux – et souvent lovés dans l’histoire familiale – qu’il nous est devenu aussi naturel que l’air que nous respirons. Il nous est difficile de trouver une fiction contemporaine où les tourments des personnages ne sont pas renvoyés en dernière instance aux traumas de l’enfance.” Il ne met pas en doute l’importance du passé, notamment de l’histoire familiale, dans la construction de l’identité, mais il en appelle à la vigilance : ” attention à ces récits qui sont devenus envahissants et sont un peu trop commodes. Ceux-ci peuvent même conduire au dolorisme, c’est-à-dire une conception qui exalte la douleur et confère, par voie de conséquence, une valeur morale supérieure à celui qui souffre.”

Il complète : “le passé nous sert aussi souvent à nous exonérer de beaucoup de nos responsabilités. Ce schéma narratif favorise ce que les psychologues ont nommé le biais d’autocomplaisance, c’est-à-dire la tendance de notre esprit à attribuer nos succès à nos qualités et nos défaites à la malveillance des autres”, ou à des facteurs exogènes.

“Les transclasses occupent une position particulière et passionnante parce que, nomades sociaux, ils sont en droit de se demander : Pourquoi mon parcours m’a-t-il mené là où je suis ? Lorsqu’ils s’expriment publiquement, ils manifestent souvent une forme de dolorisme qui interroge. Dans certains cas, ils renient leur milieu d’origine ; dans d’autres, ils craignent de l’avoir trahi et, très souvent, ils expriment un sentiment de honte”.

Chantal Jaquet lui répond dans Télérama (n° 3812, 01/02/2023) : “Cette critique, qui témoigne d’un refus d’enfermement des transclasses dans une figure de honte, peut être salutaire. Mais l’accusation de dolorisme comporte toutefois un jugement de valeur qui peut apparaître comme une tentative de moralisation et de censure préjudiciable à l’expression de la parole et à son pouvoir de libération cathartique. L’affect de honte n’est pas honteux, et il faut du courage pour oser parler, passer de la honte tue à la honte sue et vue”.

J’ai été très marquée par les récits d’Annie Ernaux ou Edouard Louis, les travaux sur la honte sociale, et ce point de vue dissonant de Gérald Bronner vient bousculer mes convictions. Je vous conseille son livre, très complet sur la recherche de nos origines : sur quelles narrations se bâtissent-elles ? Quels sont les biais qui peuvent entraver la perception de notre histoire personnelle ?

Et il nuance, ce à quoi je suis sensible, le débat autour de la construction de l’identité : “On pourrait croire résoudre l’énigme en affirmant que ce que nous appelons notre personnalité est simplement la figure émergente des nombreuses déterminations (biologiques, socialisantes par la famille, par les pairs …) qui l’ont forgée. Immédiatement, pourtant, viendrait l’impression que les injonctions qui s’exercent sur nous sont souvent contradictoires et qu’il faut bien que quelque chose en nous arbitre entre les chemins qu’elles nous enjoignent de prendre. Il demeure un mystère insoluble dans la question Pourquoi je suis qui je suis ? Et c’est à cet insoluble que puisent tous nos récits. C’est lui qui autorise leur prolifération. Nous fantasmons nos origines, nous exagérons certains traits : en un mot, nous nous donnons tous des mythes fondateurs”. Il corrobore par là-même la notion de “roman familial” chère à Eugène Enriquez et Vincent de Gaulejac.

Tisser les fils narratifs

Ce que je retiens aussi des propos de Gérald Bronner, c’est l’importance trop souvent négligée de l’influence des pairs, amis, enseignants … ou de rencontres inattendues, qui jouent un rôle marquant dans une trajectoire de vie, parfois aussi marquant que l’influence parentale, notamment parce qu’ils constituent d’autres modèles auxquels s’identifier. Cela rejoint d’ailleurs l’une des questions que je pose avec l’arbre de vie sur les personnes ressources sur lesquelles s’appuyer.

Et ce qui m’a émue enfin, c’est son allusion à la dignité : dignité de ses origines, qu’il ne renie pas, valeur de dignité dont il a hérité, dignité intellectuelle, dans ses travaux sociologiques. Il conclut son ouvrage ainsi : “Tenter de rester disponible à la complexité du monde est le plus bel hommage que je puisse rendre à l’héritage de mes origines”.

Autres histoires de vies à découvrir chez Marie-Hélène Lafon dans Les sources paru en 2023 aux Editions Buchet-Chastel et chez Claire Baglin dans En salle, aux Editions Minuit, 2023 : toutes les deux déclarent éprouver de la tendresse pour leurs origines familiales, et ne pas être traversées par la honte, tout comme Gérald Bronner.

Ce livre-là – et toute l’écriture peut-être – a pour source le lieu, le milieu, le moment, le corps de pays, nous avons commencé d’être et pris conscience que nous étions au monde, c’est la source inépuisable. C’est le titre de ce livre mais ce pourrait être le titre de tous mes livres. Comme il est dit dans la dernière partie du roman, “elle”, Claire, la fille, préfère le mot sources au mot racines. Et il m’a fallu du temps pour me rendre compte que la fluidité, le mouvement, la dynamique, l’énergie et la douceur, la luminosité aussi, du mot sources épousait d’avantage le mouvement d’écriture qui est le mien depuis vingt-cinq ans que le mot racines. Je ne renie pas le mot racines, pour les arbres, la grâce des arbres.Marie-Hélène Lafon sur France culture.

Monologue contre l’identité : “Il n’y a pas de Ajar”

Très belle exposition Pastels au musée d’Orsay avril 2023

J’aimerais m’attarder sur ce court essai de Delphine Horvilleur au sujet de Romain Gary, point commun avec Nancy Houston, que je cite régulièrement sur mon site. Romain Gary (déjà pseudo de Roman Kacew), avec cet autre pseudo Emile Ajar, publie ainsi incognito, et devient lauréat de deux Prix Goncourt, sous deux noms différents, alors que le règlement l’interdit : Les racines du ciel en 1956 et La vie devant soi en 1975. Au-delà de ce canular, cette double identité, enjeu de reconnaissance et de renaissance, fut-elle un piège ?

Les passionnés de Romain Gary auraient en eux une profonde mélancolie, très exactement proportionnelle à leur passion de vivre : “une volonté farouche de redonner à la vie la puissance des promesses qu’elle a faites un jour, et qu’elle peine à tenir” (page 12). “L’oeuvre de Gary/Ajar est le livre de chevet des gens qui ne sont pas prêts à se résoudre ni au rétrécissement de l’existence, ni à celui du langage, mais qui croient qu’il est donné de réinventer l’un comme l’autre”.

Delphine Horvilleur nous propose avec Il n’y a pas de Ajar (Editions Grasset, 2022), une réflexion sur l’obsession identitaire mortifère de notre temps et je suis tentée de lui donner la parole, dans un souci d’honnêteté intellectuelle, moi qui m’interroge sur la notion d’identité depuis longtemps. Sa voix apporte une richesse précieuse au débat, je vous en laisse juge à la lecture de cet article.

“Autour de nous – tendez l’oreille – hurlent de toute part des voix qui affirment que pour être authentiques, il faudrait être entièrement définis par notre naissance, notre sexe, notre couleur de peau ou notre religion (page 15). Cette identité transmise par des générations passées nous empêcherait d’être autre chose que ce que notre naissance a dit de nous. Je pense encore et toujours à Romain Gary, et à tout ce que son oeuvre a tenté de torpiller, en choisissant constamment de dire qu’il est permis et salutaire de ne pas se laisser définir par son nom ou sa naissance. Permis et salutaire de se glisser dans la peau d’un autre qui n’a rien à voir avec nous. Permis et salutaire de juger un homme pour ce qu’il fait et non pour ce dont il hérite. D’exiger pour l’autre une égalité, non pas parce qu’il est comme nous, mais précisément parce qu’il n’est pas comme nous, et que son étrangeté nous oblige (page 18). Nous sommes pour toujours les enfants de nos parents, des mondes qu’ils ont construits et des univers détruits qu’ils ont pleuré, des deuils qu’ils ont eu à faire et des espoirs qu’ils ont placés dans les noms qu’ils nous ont donnés. Mais nous sommes aussi, et pour toujours, les enfants des livres que nous avons lus, les fils et les filles des textes qui nous ont construits, de leurs mots et de leurs silences” (page 31).

Je vous invite à lire ce monologue d’un homme étrange qui se dit le fils d’Emile Ajar, hommage à nos filiations littéraires. C’est le message d’un homme qui sait combien les fictions nous façonnent, ce que j’ai déjà eu l’occasion de partager sur ce site au travers des histoires de vie notamment.

Je souscris tellement à ses derniers propos sur les textes qui m’ont façonnée : je pense notamment, sans exhaustivité ou chronologie aucune à des auteurs ou autrices qui ont compté pour moi, comme en premier lieu Nancy Houston, mais aussi Hannah Arendt, Robert et Elisabeth Badinter, Primo Levi, Marguerite Duras, Robert Anthelme, Jorge Semprun, Ernest Hemingway, Julie Otsuka, Abnousse Shalmani, Emmanuel Carrère, Jim Harrison, Andreï Makine, Amine Maalouf, Carson McCullers, Tobie Nathan, Boris Cyrulnik, Philippe Sands, Joseph Boyden, Delphine de Vigan, Alice Ferney, Javier Cercas, Sofi Oksanen, Tahar Ben Jelloun, Camille Kouchner, Vanessa Springora, Margaret Atwood …

Constance Debré, autrice d’Offenses, son dernier livre paru aux Editions Flammarion, 2023, ne répond pas autre chose à la question de Nathalie Crom dans Télérama (n°3811 du 25 janvier 2023) : “se définir en tant que ceci ou cela n’est vraiment pas mon approche des choses. Parce que ce n’est pas ce qu’il y a de plus vrai dans la réalité de l’expérience humaine. Parce que l’obsession de l’identité est un oubli de l’autre. Je ne dis pas que l’on est tous pareils, et encore moins tous égaux, mais si on peut se parler, si on peut écrire des livres et être lu, si on peut essayer de faire société, c’est qu’il existe quelque chose de commun et d’universel. Ce truc universel, c’est un mélange de sentiments de solitude, de douleur, de violence, d’amour … bien plus passionnant que les identités. C’est quoi pour vous la vie ? C’est une question que j’adore !”

En conclusion, je me sens proche de cette maxime de Jean-Paul Sartre que j’ai reprise dans ma brochure de présentation : “La liberté de l’individu est ce qu’il fait de ce que l’on a fait de lui”. L’idée de liberté et de bricolage identitaire me séduit et ouvre un champ à chacun et chacune d’entre nous dans sa construction et son développement tout au long de la vie, rien n’est figé, tout peut évoluer.

L’humour est une affirmation de supériorité de l’homme sur ce qui lui arrive” Romain Gary

Etonnante coïncidence, avec dans ce documentaire intitulé Les identités de Mona Ozouf, l’historienne et philosophe nous donne sa définition de l’identité, sur la ligne de crête, entre fidélité, déterminisme, héritage d’une part et liberté, émancipation, affranchissement d’autre part. A écouter à partir de 38mn58, extraits : “Selon les contextes, on est tenté par l’une ou l’autre des approches, et c’est mon cas. Je n’ai cessé d’osciller entre les deux. Nous sommes tous faits d’appartenances multiples, qui commencent dès la carte d’identité, mais sont liées aussi à des opinions, rencontres, amitiés, à notre histoire en somme … que l’on ne peut réduire à une identité essentialisée. Au cours d’une vie, nous procédons constamment à des arbitrages entre des fidélités contradictoires. C’est la liberté qui nous reste, jouer entre nos appartenances. Nous pouvons les composer. C’est pourquoi j’ai appelé mon livre Composition française. Bref, cette identité que j’ai cherché à enfermer dans une définition est introuvable. Il y a toujours quelque chose de violent dans la définition de l’identité. Au lieu de nous demander sans arrêt qui nous sommes, demandons-nous plutôt qui est l’autre. L’identité est réflexive, elle se nourrit de la mémoire et de la conscience de soi.”

#Episode 15 podcast avec Véronique Le Mouël

Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.

Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?

Retrouver la série complète ici.

Rencontre avec Véronique Le Mouël, artiste, à l’origine de l’association Oeuvre participative, à laquelle je vous recommande vivement d’adhérer pour soutenir son action ! Véronique enchante notre paysage urbain avec ses propositions d’art participatif. L’art participatif tel que le définit Véronique : “prendre part”. Artiste vivant pleinement dans son époque, elle reconnaît avec une sensibilité qui me touche avoir exaucé ses rêves d’enfant. Sa forêt des messages, mêlant écriture et forme plastique, permet aux citoyens acteurs d’une oeuvre collective dans l’espace public de s’exprimer d’une manière poétique et créative. Belle leçon de vie que nous offre Véronique.

La fabrique des récits : mémoire individuelle et collective, suite

Très belle découverte des oeuvres de Sally Gabori à la Fondation Cartier pour l’art contemporain

En complément d’un article que j’ai mis à jour récemment, “Mémoire individuelle, mémoire collective”, voici les quelques citations que j’ai tirées d’ouvrages de Boris Cyrulnik qui reste ma référence pour les notions d’identité, de résilience et de mémoire. Je continue à tracer mon sillon sur ces notions, au fil de mes découvertes. Au plaisir d’échanger avec mes lecteurs/lectrices, n’hésitez pas à laisser vos commentaires en bas de l’article.

Boris Cyrulnik, dans Des âmes et des saisons ; Psycho-écologie, Odile Jacob, 2021 que je recommande : “Le sens qu’on attribue aux événements vient de la structure du contexte autant que de l’histoire. Ce qui revient à dire que le regard que l’on porte sur notre passé dépend des récits que notre culture compose.” “C’est à la lumière du présent qu’on éclaire le passé. Dans nos récits individuels, quand on se sent bien, notre mémoire va intentionnellement chercher dans le passé les faits qui pourraient expliquer notre bien-être. Et quand on se sent mal, notre mémoire va chercher d’autres faits, tout aussi réels, pour expliquer notre mal-être. Les récits sont opposés et pourtant ne sont pas des mensonges, puisqu’on a sélectionné et interprété différemment des segments de réalité”. (page 32)

“Il y a donc une mémoire individuelle tracée dans la matière cérébrale par les pressions du milieu, et il y a aussi une mémoire hyperconsciente, une histoire de soi que l’on croit intime alors qu’elle provient des mots issus de nos relations. Est-ce à dire qu’une grande partie de nos souvenirs intimes sont imprégnés en nous par les récits collectifs ? Pour voir le monde et le comprendre, nous le réduisons à quelques informations mises en lumière par les récits qui nous entourent. (page 36)

“Nous croyons raisonner raisonner par nous-mêmes, alors que nous ne faisons qu’incorporer dans notre mémoire les récitations du groupe, ses croyances et ses préjugés. Les histoires partagées, les opinions acquises en toute inconscience créent un sentiment d’appartenance auquel on adhère avec bonheur puisqu’il nous solidarise.” (page 57)

“L’écologie verbale : un ensemble de récits familiaux et culturels qui structurent un environnement invisible et déclenchent d’intenses sentiments”. (page 94)

“La parole agit aussi sur notre mémoire et peut modifier la représentation de notre passé. Le récit de soi n’est pas le retour du passé, c’est la représentation du passé à partir d’aujourd’hui. La mémoire évolue, comme toute mémoire saine, parce que l’existence a ajouté d’autres expériences de vie qui ont modifié la représentation du passé.” (page 287)

“C’est bien l’élaboration mentale, l’effort d’agencer les représentations pour comprendre un événement et en faire un récit, le lent travail de l’esprit qui entraînent le sujet à ressentir les choses différemment”. (page 290)

Et pour approfondir : Mémoire et traumatisme : l’individu et la fabrique des grands récits. Boris Cyrulnik, entretien avec Denis Peschanski. Ina Editions, 2012.

Série de podcats “A voix nue” sur France culture : “Les mots font saigner la mémoire

(re)Trouver ses forces avec l’arbre de vie

J’ai eu la grande chance de rencontrer et d’être formée à l’arbre de vie par Dina Scherrer, présidente de la Fédération francophone des pratiques narratives. Cela faisait des années que je pensais les histoires de vie en sociologie clinique – auxquelles j’ai été certifiée – très proches des pratiques narratives. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité aller y voir de plus près avec Dina Scherrer, qui m’a confortée dans cette intuition.

Histoires de vie et pratiques narratives partent du principe que chaque individu n’est pas réduit à son histoire, mais est multi-histoires ; Qu’être le produit d’une histoire héritée est compatible avec le fait de devenir “sujet” et auteur / autrice de sa vie par un “bricolage” identitaire unique, savant mélange de déterminisme et de choix personnels et autonomes ; Que chacun.e détient les savoirs, les compétences, les forces, les talents, les ressources, les valeurs, l’énergie pour vivre ses expériences et affronter les difficultés.

Le coach ou praticien narratif est là pour aider la personne à se les révéler si elle les a perdues de vue et à reprendre confiance pour aller de l’avant.

J’ai aimé lorsque Dina nous a dit que nous étions là pour poser des questions qui rendent les gens dignes, pour honorer leurs savoirs clandestins, leurs actes de résistance, leur “plein”.

Pierre Blanc-Sahnoun a rencontré pour la première fois l’arbre de vie en 2010 avec David Denborough, Cheryl White et Jill Freedman au Rwanda. Il y était parti en mission avec un groupe international de thérapeutes narratifs pour former des intervenants sociaux travaillant dans les villages avec les survivants du génocide de 1994. L’arbre de vie figurait en bonne place des outils utilisés, issu du travail de David Denborough avec Ncazelo Ncube, psychologue pour enfants originaire du Zimbabwe, pour aider les enfants atteints du VIH. Il a été touché par cette approche simple et élégante, permettant aux personnes traumatisées de parler de leur vie dans des termes les rendant plus forts au lieu de les retraumatiser à chaque étape du récit.

C’est bien là tout l’intérêt de l’arbre de vie, travail métaphorique qui aide à parler de soi en un temps record et d’une façon positive en se centrant sur ses qualités, ressources, talents et forces, afin d’atteindre l’objectif que chacun.e se fixe et qui guide tout le travail de la séance.

Dina Scherrer le définit ainsi : ” l’arbre de vie est un outil de soutien psychosocial basé sur les pratiques narratives. Il utilise les différentes parties de l’arbre pour représenter les divers aspects de nos vies. L’utilisation des métaphores et de questions soigneusement formulées invite à raconter des histoires sur la façon de se renforcer et augmente l’espoir dans l’avenir. Il a été délibérément conçu pour soutenir les personnes dans l’exploration des histoires alternatives (1), des histoires qui parlent d’espoir, de compétences, des rêves qu’un individu a pour sa vie. Une histoire encourageante et dynamisante qui constitue une base ferme pour que la personne poursuive sa vie en dépit des problèmes auxquels elle est confrontée” (2)

A quels moments faire appel à l’arbre de vie en accompagnement ?

  • Au début d’un accompagnement pour faire connaissance et clarifier les objectifs
  • En fin d’accompagnement pour le bilan
  • Pour aller à la recherche ou confirmer un projet (choix d’études ou de métier, réorientation professionnelle, création d’entreprise, transition de vie …)
  • Pour anticiper les obstacles qui pourraient se mettre entre soi et son projet
  • Pour travailler son identité professionnelle et dégager sa singularité
  • Pour peaufiner son style managérial
  • Pour aider à retrouver du sens dans sa vie professionnelle
  • Pour sortir de l’isolement
  • Pour travailler le manque de confiance ou d’estime de soi
  • Pour préparer un entretien de recrutement ou un pitch devant des publics clés …

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette approche et déterminer si elle répond à vos objectifs et attentes, me contacter.

A lire : Dans mon arbre de vie pousse mon projet professionnel

(1) Les pratiques narratives distinguent l’histoire du problème ou histoire dominante qui enferme la personne, la rend aveugle à ses potentialités, de l’histoire alternative ou histoire préférée, qui va lui permettre de retrouver confiance en soi et désir d’avancer.

(2) “Accompagner avec l’arbre de vie, une pratique narrative pour restaurer l’estime de soi” Dina Scherrer, InterEditions, 2021.

Explorons ensemble !

J’ai été séduite par les superbes cartes créées et illustrées par Catherine Jullien dans la collection Souriez vous jouez. Les cartes exploratrices nous invitent à explorer et enrichir notre rapport au monde. Elles proposent un voyage dans l’énergie du féminin pour trouver l’harmonie et l’action juste dans notre quotidien.

L’expérience d’accompagnement se déroule en trois actes :

  • Ressentir et accueillir l’émotion : les portraits à l’aquarelle
  • Raconter : se laisser guider par les questions narratives * au dos des cartes
  • S’inspirer : découvrir les citations de femmes inspirantes

Je vais proposer ces cartes aux personnes que j’accompagne pour les aider à mettre des mots, des images, des émotions sur les situations qu’elles amènent en coaching, autre manière, créative et inspirée, d’avancer sur son chemin de vie. J’aime cette idée de partir en exploration vers son vrai soi, comme un aventure personnelle.

C’est Catherine Jullien qui les a conçues : ingénieure, coach professionnelle et artiste. Je la remercie vivement pour cette belle idée à la fois porteuse de sens et esthétique, que je suis ravie de vous faire découvrir en images !

*La pratique narrative : “Plus que ce qui nous arrive, ce qui est important, c’est l’histoire que nous nous racontons à partir de ce qui nous arrive”. Notre identité est façonnée par les histoires que nous nous racontons, qu’on a raconté sur nous et que l’on se raconte. Il s’agit de notre histoire dominante. La pratique narrative propose de revoir nos croyances, postulats, et de construire des histoires alternatives dans lesquelles nous retrouvons une relation à nos rêves et nos aspirations. Elle reconnecte notre identité à nos ressources cachées, invite à aller chercher des expériences non sélectionnées jusqu’alors dans le casting de nos histoires. Et développer ainsi une histoire préférée“.

Comment passer des rêves à l’action ? Découvrir une forme d’accompagnement s’appuyant sur les rêves : à lire ici.

#Episode 13 podcast avec Eloïse Monziès

Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.

Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?

Retrouver la série complète ici.

Je suis heureuse de vous faire découvrir une cheffe prometteuse, Eloïse Monziès, que j’ai eu l’honneur de rencontrer d’abord avec mes papilles en dégustant sa cuisine, et avec les yeux aussi, tant celle-ci est belle et colorée, mélangeant végétaux, fleurs, herbes et épices. Cheffe d’entreprises audacieuse et inventive, se décrivant comme joyeuse et enjouée, Eloïse nous présente ses défis de l’année 2022. Vous pourrez les écouter dans ce podcast. Pour elle, la cuisine est un acte d’amour, a fortiori, la cuisine éco-responsable, qu’elle explique avec pédagogie. Je vous engage à cuisiner avec Eloïse en testant avec elle ses recettes de saison grâce à son podcast, le cul de poule. Pour suivre Eloïse dans ses projets : @eloise.monzies et @_lavitrine_

#Episode 12 podcast avec Sandrine Brasero

Suite de la série de podcasts que j’ai initiée avec Mitrane Couppa, et un fil conducteur pouvant être décrit ainsi : découvrir des histoires singulières, des parcours de vie et des conquêtes. Conquête d’indépendance, de liberté, d’identité.

Avec une question fondamentale : comment changer, se transformer, évoluer et / ou s’accepter en restant fidèle à soi (ses valeurs, son héritage, ses loyautés) ?

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Consultante en management et fondatrice de Promot-HER, Sandrine Brasero accompagne les dirigeants et les leaders dans les organisations à réussir leur transition managériale, développer leur leadership et leur politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Nous avons pris le temps avec Sandrine d’évoquer, à travers son histoire, ses représentations du leadership, et la genèse de la création de Promot-Her, collectif d’indépendants intervenant pour l’égalité professionnelle au sein des organisations.

Identité et corps

Selon André Comte-Sponville dans son Dictionnaire des philosophies (1), “l’identité est le fait d’être soi et de le rester, donc de demeurer un et le même, malgré les changements innombrables qui nous traversent ou nous constituent. Montaigne ne trouvait en lui rien de stable ni de constant. Aussi refusait-il au moi le statut d’être. Toutefois, le corps et la mémoire résistent, qui demeurent (puisqu’ils ne cessent de changer) et nous donnent le sentiment de notre propre persistance, au moins un temps : celui du souvenir et du vieillissement. Mieux vaudrait, en ce sens, parler de continuité que d’identité. Rester identique à soi ? Nul ne le peut absolument. Mais comment pourrais-je changer sans continuer d’être ? Vivre, ce n’est pas rester un et le même ; c’est persévérer dans son être multiple et changeant.”

La série de podcasts que j’ai initiée, Mine de rien, s’attache justement à incarner ces questionnements avec des témoignages d’invitées qui s’arrêtent le temps d’échanges informels sur ce qui constitue le permanent et l’impermanent dans leurs histoires de vie.

La lecture du dernier livre d’Edouard Louis, Changer : méthode (2), m’a saisie par la volonté féroce qu’a manifesté Eddy Bellegueule, devenu Edouard Louis, à transformer en profondeur son identité, allant jusqu’à modifier son prénom, son nom, son aspect corporel, ses manières, son accent, sa façon de parler, de se tenir à table, de manger, de se vêtir, de rire même ! Incroyable et méthodique transformation d’un homme déterminé à sortir de sa classe, de son milieu, de son habitus (3).

Le nom est le socle de l’identité : il indique de qui l’on naît et d’où l’on vient, il assigne une place sans qu’il y ait de possibilités, du moins en principe, d’y échapper. Le prénom est assigné par d’autres, il est subi d’une certaine façon, pourtant, il est un élément constitutif du sujet, de sa singularité. Le choix du prénom revêt une dimension sociale (effet de mode, influence des milieux sociaux). Le prénom est à la fois un héritage et un choix personnel de le conserver ou non, de se l’approprier, ou non.

Edouard Louis fait-il son histoire de vie, au sens où l’entend Gaston Pineau ? Pour l’enseignant-chercheur, “faire son histoire de vie, c’est s’émanciper des différents déterminismes, c’est s’appuyer sur son passé pour en décoller, et entrer dans les mouvements pleins de contradictions du devenir de façon motrice. Faire son histoire de vie est alors moins se souvenir qu’ad-venir.” (4)

Les passages de son livre que je vous recommande sont éloquents sur sa volonté de transformation et l’acuité de son regard de transfuge de classe, à l’instar d’Annie Ernaux : “Avec Elena, j’apprenais tous les jours un peu plus à connaître et à comprendre la personne que j’étais, et ce que j’avais constaté en arrivant au lycée s’est confirmé : je n’avais pas eu une enfance, mais une enfance de classe. Tous mes goûts, toutes mes pratiques, ce que je faisais, ce que je disais, mes opinions, tout était marqué par le passé. J’avais partout en moi ta présence et la présence de notre famille. Par où est-ce que je dois commencer ? C’est surtout pendant les repas que je ressentais la différence et la honte.”

Edouard Louis évoque aussi le théâtre comme “un instrument de réinvention de sa vie, parce que grâce au théâtre, il a été le premier dans sa famille à aller au lycée et parce que grâce au théâtre, il a appris qu’on pouvait jouer des rôles, c’est-à-dire produire un écart par rapport à sa vie, sa vie imposée, son passé, son histoire familiale, le théâtre lui a fait comprendre que s’il voulait être autre chose ou quelqu’un d’autre, peu importe, alors il fallait le jouer, jusqu’à le devenir, il a compris qu’il n’y avait rien d’autre que des rôles”.

J’ai apprécié sa franchise et son honnêteté lorsqu’il évoque la littérature et l’écriture : “Je veux être clair, pour moi l’enjeu était celui du changement et de la libération, pas celui des livres ou de la vocation littéraire. Je ne pense pas que mon obsession première ait été les livres. Si je rêvais soudainement de devenir un écrivain, ce n’était pas parce que rêvais d’écrire, mais parce que je rêvais de m’arracher définitivement au passé. Il ne faut pas voir dans ce que j’écris l’histoire de la naissance d’un écrivain mais celle de la naissance d’une liberté, de l’arrachement, coûte que coûte, à un passé détesté.”

Et voici comment il définit son programme pour y arriver : “Changer mon nom (aller au tribunal ?), changer mon visage, changer ma peau (tatouage ?). Lire (devenir quelqu’un d’autre, écrire). Changer mon corps. Changer mes habitudes. Changer ma vie (devenir quelqu’un). Je ne sais pas si c’est tout le monde, mais pour moi, quand le processus de ma transformation avait commencé, il était devenu un travail plus que conscient, une obsession permanente. Je voulais tout changer, et que tout dans le progrès de mon changement soit le résultat d’une décision. Je voulais que plus rien n’échappe à ma volonté.”

Jusqu’à ceci : “Après mes dents, j’ai changé mon prénom au tribunal, puis mon nom de famille. Je suis allé dans une clinique pour redessiner la ligne de mon implantation capillaire, je me suis habillé d’une manière autre, qui me paraissait mieux s’accorder à ma vie”.

Je reste sidérée à la lecture de ces lignes par cette volonté acharnée de changement, et de revanche : “Tout vivre c’était me venger de la place qui m’avait été assignée par le monde à la naissance”.

A lire aussi cet article sur Littérature et identité.

(1) Dictionnaire des philosophies. André Comte-Sponville. Ed. PUF, 2001.

(2) Changer : méthode. Edouard Louis. Ed. Seuil, 2021.

(3) Habitus : manière d’être d’un individu, liée à un groupe social et se manifestant dans son apparence physique (vêtements, maintien…). L’habitus désigne un système de préférences, un style de vie particulier à chacun. … Dans Esquisse d’une théorie de la pratique (1972), Pierre Bourdieu définit l’habitus comme étant « une loi immanente, déposée en chaque agent par la prime éducation ».

(4) Les histoires de vie. Gaston Pineau. Ed. PUF, 2002.