La transmission, une histoire de vie

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J’ai eu la chance de faire la connaissance de Nathalie Lebas-Vautier grâce au Parlement du féminin en décembre 2017.

Entretien vérité avec une femme remarquable, créatrice de plusieurs entreprises, qui a accepté de répondre avec sincérité et humilité à mes questions pour ce blog. Je vous livre ses réponses qui nous inspirent, en rôle modèle dont les femmes (et les hommes) ont besoin dans leur quête de sens.

Bio : Nathalie Lebas-Vautier, fondatrice des marques Ekyog et Marie & Marie, du laboratoire d’éco-design Good Fabric, entrepreneure, slasheuse, utopiste, engagée en faveur de l’environnement, et active au sein du réseau 60 000 rebonds qui accompagne des entrepreneurs ayant déposé le bilan et souhaitant soit recréer une entreprise, soit retrouver un emploi.

« Mon engagement s’explique par mon parcours. Ce qui est très important dans mon parcours, c’est la transmission. La transmission vis-à-vis de mes enfants, la transmission de valeurs, avec un certain regard sur le monde. Ils pourront s’engager chacun à leur façon et ils se feront leur avis lorsqu’ils seront adultes.

Je suis issue d’une famille très modeste, il n’y avait pas d’argent à la maison, pas de réseau, très vite enfant j’ai compris que je ne voulais pas avoir la vie de mes parents. Je suis l’ainée d’une fratrie de trois. J’étais protectrice vis-à-vis de mes petites sœurs. J’ai compris que l’école était un bon moyen de s’en sortir et qu’il fallait que je bosse.

Lorsque je tombe enceinte pour la première fois, je me pose plein de questions. Je me demande : « quelle mère je vais être ? C’est quoi être une maman bien ? » parce que je n’ai pas forcément eu l’exemple de ce que j’attendais. Et je me dis « et toi, qu’est-ce que tu fais de bien dans ta vie, c’est quoi ton métier en fait ? » Et c’est ainsi que j’ai pris conscience que le coton dit « naturel » cultivé en Asie était la culture la plus polluante au monde. D’où mon engagement en faveur de l’écologie qui date de 2004, avec la création de la marque Ekyog. J’ai vécu une très belle aventure humaine, avec 50 magasins en France et 130 collaborateurs. Mais en 2015, j’ai dû tout arrêter, l’entreprise ayant été cédée à un fonds d’investissement pour en assurer la pérennité. J’ai alors su ce qu’était un burn out, moi qui n’ai jamais été malade et travaillais sans arrêt. Mon corps a dit stop, j’étais dans un brouillard intérieur magistral, c’est une grande leçon de vie. Il a fallu que j’en parle à mes enfants. Et le clan familial s’est resserré autour de moi, j’ai eu beaucoup de chance d’être entourée ainsi, c’est mon carburant. Après un an et demi, je me suis remise en route. Car je suis avant tout une femme de projets. J’ai alors créé le laboratoire d’éco-design Good Fabric et la marque Marie & Marie.

 

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Je fais les choses avec plus de recul, d’apaisement, de plaisir. Je sais dire non, alors qu’avant je ne savais pas. Je me sens à ma place et aussi je sais profiter de l’instant présent, alors qu’auparavant, je n’y arrivais absolument pas !

J’ai retrouvé la confiance grâce à l’amour de mes proches, car sans amour on ne fait rien dans la vie et j’en ai tellement manqué quand j’étais enfant.

Quand j’étais jeune, j’avais un grand rêve, celui de réussir ma vie, d’être quelqu’un de bien. J’étais curieuse de tout. J’étais dans un manque d’affection, un manque d’intérêt, un manque d’argent, et je voulais me sortir de là. Je n’étais pas dans un bon équilibre, tout est passé dans un acharnement au travail démentiel. Car j’ai cru qu’avoir un statut social était le seul moyen d’exister. Il a fallu que j’attende mes quarante ans et des obstacles dans ma vie pour comprendre que ce n’était pas l’essentiel.

Je suis utopiste, on me l’a parfois reproché, mais c’est ce qui met de l’humain, du cœur, de la sincérité, comme vivre les choses passionnément… Et d’ailleurs, je trouve que les femmes ont cette sensibilité. C’est la raison pour laquelle souvent les femmes n’osent pas, elles ont un rapport au risque plus compliqué, car elles ont le sens des responsabilités. Se donner le droit à l’erreur, c’est hyper important. J’ai couru pendant des années pour être une femme parfaite, cela m’a bouffé la vie. Il faut savoir dire stop et demander de l’aide pour plus de partage des tâches. Ce que j’ai appris aussi, c’est que l’on est seul.e face à ces questionnements. C’est bien de se faire accompagner, mais il faut savoir s’écouter, être honnête, être bienveillant à l’égard de soi, admettre qu’il y a des choses que l’on n’est pas capable de faire ou que l’on ne peut plus faire, il faut savoir couper. Cela a été un exercice difficile, mais aujourd’hui j’y parviens mieux.

Je suis intervenue récemment chez Force Femmes et encore une fois, les femmes qui étaient là ont adhéré. Elles adhèrent à la marque et aux produits certes, mais cela va au-delà : il y a une cohérence dans ce projet, entre mon parcours et ce que je propose. En plus, c’est le début d’une aventure, faire partie d’une histoire qui démarre, c’est souvent intéressant. J’ai la chance d’avoir une vraie histoire à raconter. Je raconte mon parcours, ce que j’ai fait, comment je m’y suis prise, je raconte aussi là où je me suis trompée, comment je me suis améliorée en tant qu’individu, et cela fait écho. Je pense que c’est ce qu’elles apprécient.

Je suis frappée par le courage des femmes, leur capacité de résilience. Elles sont étonnantes. »

L’interprétation sociologique des rêves

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J’aimerais partager avec vous quelques extraits d’une interview lue dans Télérama (1) qui a apporté de l’eau à mon moulin sur les rêves et la notion d’identité qui m’est chère.

Il ne s’agit pas ici des rêves ou aspirations tels que je les aborde dans les accompagnements Shynleï que je pratique depuis quelques mois. Il s’agit de nos rêves nocturnes, analysés sous un angle particulier par Bernard Lahire (2), qui signe un nouvel essai, L’interprétation sociologique des rêves, que je vais m’empresser d’aller acheter à ma librairie préférée.

Son ambition : renouveler de fond en comble la théorie freudienne du rêve, dont Didier Anzieu (3) affirmait : “Nul psychanalyste ne l’a mise en question et aucun des chercheurs des disciplines voisines (sociologie, ethnologie, psychiatrie, neuropsychologie, psychologie expérimentale et cognitive) n’a depuis près d’un siècle proposé avec succès une nouvelle conception du rêve.”

“A priori, rien n’est plus éloigné de la sociologie que le rêve, qui semble être un objet strictement individuel, une production imaginaire involontaire survenue durant le sommeil – donc durant un temps où le rêveur s’est retiré du flux des interactions sociales ordinaires, des sollicitations de son entourage extérieur. Incohérent en apparence, toujours mystérieux, le rêve incarne même ce qu’il y a de plus bizarre au sein du fonctionnement individuel… Bref, il représente un objet peu tangible pour la sociologie, qui préfère se tourner vers les groupes ou les institutions.

Pour Freud, le travail du rêve consiste toujours à transformer, déguiser un contenu latent inconscient en un contenu manifeste qui vient détourner la censure… Je ne crois pas, pour ma part, que l’inconscient soit le refoulé ni que la censure joue un rôle aussi important dans le rêve, je crois au contraire que le rêveur, qui est un narrateur omniscient, communique avec lui-même de façon très implicite. Si nous rêvons avant tout avec des images, le récit de rêve reste le seul accès possible au contenu de ce qui a été rêvé durant le sommeil. Objet complexe, le rêve est donc le mélange du produit de l’activité psychique à l’état endormi (le rêve vécu), de la remémoration (le souvenir du rêve) et de la formulation verbale à l’état éveillé de ce qui a été rêvé durant les périodes de sommeil (le récit de rêve).

Alors que pour Freud, le rêve est toujours la réalisation (déguisée) d’un désir (inassouvi), il est plutôt à mes yeux l’expression d’un problème en cours, non encore résolu par l’individu. Le rêve est donc tout sauf la mise en scène de situations désirées ; sans être toujours un cauchemar, le rêve est le lieu de tous les soucis, de tous les conflits, de toutes les préoccupations.

Comprendre de quoi nous rêvons, pourquoi nous rêvons sous cette forme-là et ce que cela dit de nos vies dans la société nécessite d’entrer dans la biographie sociologique du rêveur, qui consiste à reconstruire les expériences socialisatrices successives (familiales, scolaires, professionnelles, sentimentales, politiques, religieuses, culturelles) à travers lesquelles chacun s’est constitué.

Chaque entretien mené depuis deux ans, conduit à partir des récits écrits par les rêveurs, est singulier. Il procède à des explications-précisions, à des associations et à des questionnements biographiques en lien avec les différents éléments du rêve, en vue de révéler les problèmes liés à l’histoire personnelle des rêveurs qui structurent leur vie sociale.

Je ne les considère pas comme des patients, mais bien comme des enquêtés. Ce qui m’importe, c’est plutôt de ramener la psychanalyse dans le champ des sciences sociales et humaines. Je fais partie des quelques sociologues qui croient que la recherche en sciences sociales peut aujourd’hui progresser. Pour comprendre, il faut  unifier les efforts de connaissance émanant de chercheurs et de disciplines trop souvent séparés, voire concurrents. Le rêve est un objet parfait pour traverser les frontières disciplinaires et rassembler les savoirs dispersés.”

(1) Télérama 3550 du 24/01/2018

(2) Bernard Lahire, Professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure de Lyon (Centre Max Weber) et membre senior de l’Institut universitaire de France.

(3) Didier Anzieu, psychanalyste. Il a laissé une ouvre importante en psychanalyse, développant le concept de moi-peau, et ayant beaucoup travaillé sur les groupes, s’appuyant notamment sur les travaux de Wilfred Ruprecht Bion. A partir de l’influence d’autres psychanalystes comme Mélanie Klein et Heins Kohut, il a tenté avec beaucoup de finesse, d’analyser non pas les ouvres d’Art mais le processus créatif, la création. Sa réflexion sur l’ouvre de Samuel Beckett montre à la fois la particularité de l’auteur dans les liens avec la création mais aussi une tentative de modélisation d’une topologie propres aux créateurs.

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