Cette notion de limites entre thérapie et histoire de vie est importante pour les personnes qui me consultent et m’interrogent sur ma pratique ; et si elles ne posent pas la question de façon explicite, je le précise d’emblée lorsque j’explique les modalités de mon intervention : le travail sur son histoire de vie professionnelle, même s’il aborde des champs personnels, ne s’apparente pas à une thérapie. Il peut avoir des effets thérapeutiques, mais ce n’est pas sa finalité.
Michel Legrand (1) délimite la frontière entre souci de soi et de soin par le contrat établi entre les deux parties : ” la thérapie supposerait qu’une personne, client ou mieux patient, adresse une demande d’aide ou de soins à une autre personne qui soit non seulement un intervenant mais encore un psychothérapeute, celle-ci acceptant cette demande et s’engageant à aider la personne souffrante”.
A partir de cette définition, Michel Legrand affirme que “de manière commune, les pratiques de récit de vie n’appartiennent pas stricto sensu au champ thérapeutique, puisqu’y fait défaut le contrat thérapeutique. Le praticien du récit de vie ne s’engage pas à soigner ou à alléger la souffrance des narrateurs avec qui il travaille.” Il précise toutefois que le fait d’adresser à un autre son récit de vie permet à la personne “de le déconstruire, pour le recomposer autrement”. Elle “reraconte son histoire, la resignifie, la charge de nouveaux sens.” (2)
(1) Professeur Michel Legrand (1945-2006), Docteur en psychologie, psychologue clinicien et psychosociologue. Il fut professeur à la Faculté de psychologie de l’Université de Louvain où il enseigna la clinique biographique.
(2) Source : Penser l’accompagnement biographique, Alex Lainé, Emmanuel Gratton, Annemarie Trekker, L’Harmattan, 2016 – Page 212
Pour approfondir, lire aussi : Le travail de la narration dans le récit de vie par Roselyne Orofiamma, publié dans Souci et soin de soi. Liens et frontières entre histoire de vie, psychothérapie et psychanalyse, Christophe Niewiadomski et Guy de Villers (ouvrage collectif), Editions L’Harmattan, Paris, 2002