La relation

J’ai eu envie d’écrire ce texte sur la relation, car j’ai été frappée par cette idée que la relation nous change, et que la rencontre nous modifie. C’est ce que je vis dans les rencontres avec les invitées de mes podcasts que je remercie encore infiniment pour leur confiance ! Et bien sûr aussi dans les accompagnements que j’ai la chance de mener. La coach se transforme avec son ou sa cliente.

J’aime le double sens du mot : la relation, c’est le lien, la correspondance, mais c’est également le fait de relater, avec le récit et la narration, que j’évoque si souvent sur mon site.

Voici ce que dit Charles Pépin de la relation * : « Contrairement aux animaux, même à ceux qui vivent en groupe comme les loups ou les oiseaux migrateurs, l’humain ne développe sa singularité, donc ne devient lui-même, qu’au fil de ses rencontres. C’est un besoin non pas naturel comme celui de manger ou de boire, mais civilisationnel. La rencontre, qu’elle soit amoureuse, amicale, professionnelle, spirituelle, artistique, est le cœur de l’existence humaine. »

Comment faire du hasard son allié ? « En se mettant en action. Commencer par sortir de chez soi… pour mieux sortir de soi, et de ses rails identitaires. La rencontre suppose de se rendre disponible à ce que l’on ne cherchait pas. »

Manon Garcia, philosophe, complète : « Dans toutes les interactions humaines, on négocie sans cesse les limites de la forme que peut prendre la relation, on ne cesse de modifier son attitude en fonction de ce que l’on donne et reçoit de l’autre. »**

Cela me fait penser à Delphine Horvilleur, dont j’ai repris certains propos qui m’inspirent dans cet article : « Surtout ne demande pas ton chemin, tu risquerais de ne pas te perdre ».

Charles Pépin poursuit : « La vraie rencontre implique le trouble ; elle peut donc faire peur. Aujourd’hui, je dis et ce n’est pas anodin : je ne peux devenir moi-même qu’à la condition d’aller à la rencontre de l’inconnu, des autres cultures, y compris celles qui nous inquiètent ou nous effraient. L’altérité, c’est dérangeant. »

Une fois encore, Charles Pépin rejoint les penseurs de la sociologie clinique : « L’essentiel s’applique à tout le monde : pour devenir soi-même, il faut sortir de là où l’on est. Trouver ce que, chacun, nous allons pouvoir inventer avec notre héritage. Les rencontres ne sont pas seulement humaines : on peut rencontrer des films, des artistes, des pays, des idées … Quand j’étais adolescent, j’ai rencontré L’étranger de Camus. »

Charles Pépin explique dans cette interview de Télérama qu’il a vécu dans une sorte de balancement identitaire, tout comme Delphine Horvilleur ou Rachel Kahn, dont on a beaucoup entendu parler ces derniers mois, avec la sortie de son livre Racée.

Rachel Kahn va dans le même sens sur France culture : l’identité est en construction permanente, fluide, elle ne peut pas rester figée. Elle évoque Edouard Glissant, et sa lutte contre les enfermements identitaires. Céleste Brunnquell, cette jeune actrice dont je découvre la profondeur et le goût de la littérature dans l’émission Une journée particulière, parle joliment du livre Les années d’Annie Ernaux : « nous sommes multiples, nous déposons dans les lieux que nous traversons qui nous avons été, et que nous ne sommes plus, notre identité est fluide » (encore…).

Pierre Lemarquis*, neurologue, atteste lui aussi que la relation nous modifie : « A chaque rencontre que nous faisons, du moins si elle revêt pour nous une signification, le cerveau se sculpte au contact d’autrui. Nos existences, nos lignes de vie, se construisent ainsi par porosité, à la lisière du moi (l’intérieur) et de l’autre (l’extérieur). Par ses impacts répétés, l’extérieur vient remodeler en permanence notre intériorité ». Le neuroscientifique Albert Moukheiber* spécifie ainsi : « Nous faisons partie des rares animaux capables, au sein de leur espèce, de se regarder les yeux dans les yeux. La plupart des autres, par exemple les loups, ne le peuvent, car ce contact oculaire induit aussitôt l’activation d’un rapport de domination entre eux. Sapiens, lui, est en mesure de se servir de ses yeux pour exprimer au contraire toute la palette de sa cognition sociale ». Laquelle est son seul et unique atout. « Cette cognition sociale permet de collaborer, au besoin par centaines, par milliers ! ».

Notre grande force : une extrême plasticité cérébrale, qui nous permet de nous transformer, aux contacts des autres, vitaux pour notre développement, mais aussi de la nature, des animaux, ou de l’art sous toutes ses formes.

*Télérama 3734-3735

**Télérama 3746

2 réflexions sur “La relation

  1. Bonjour Nathalie et merci pour ces éclairages porteurs d’espoir et de possibilités pour nos vies ! L’approche narrative va dans le même sens. Elle s’appuie sur l’idée que c’est à travers nos récits et notamment nos histoires de lien que nous façonnons notre identité. Elle cherche donc à réintroduire au premier plan de la vie des gens des personnes importantes, à se souvenir de leur « club de vie » et à questionner en profondeur le lien et les contributions réciproques pour faire émerger de nouvelles conclusions identitaires et être plus forts dans les intempéries de la vie…On parle de « re-membering » qui joue sur l’idée de se souvenir mais aussi de redevenir en lien !

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